Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

Dans l'ombre des Lumières

Titel: Dans l'ombre des Lumières Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Laurent Dingli
Vom Netzwerk:
transportaient Bonchamps le déposèrent dans une petite cabane de La Meilleraie où il mourut quelques instants plus tard. La nouvelle se répandit dans l’armée. Pour ces hommes et ces femmes, qui luttaient depuis des mois, pour ce peuple fugitif, qui n’avait presque plus d’espoir, la mort de Bonchamps eut l’effet d’un coup de grâce. Il y avait aussi quelque chose de christique dans l’agonie de cet homme de trente-trois ans qui venait de pardonner à ses ennemis. Quant à d’Elbée, il était resté sur la rive gauche de la Loire, couvert de blessures. On l’avait transporté dans une ferme écartée avant de le conduire en secret jusqu’à Noirmoutier où il serait fusillé. Lescure respirait encore, mais endurait des douleurs indescriptibles. Antoine l’avait vu sur la plage de Saint-Florent transporté par des paysans dans un fauteuil de paille, le corps emmitouflé de couvertures et protégé de la cohue par des officiers qui avaient dû mettre sabre au clair.
    Ce fut donc une troupe orpheline, encombrée de milliers de femmes et d’enfants, qui s’élança vers l’inconnu. Les républicains chantaient victoire. La Vendée n’existait plus. Ce n’était désormais qu’une horde confuse, une bande de fuyards désorientée. Les troupes de ligne, les hommes de la levée en masse, n’en feraient qu’une bouchée. Il ne s’agissait plus que de forcer la bête avant la curée.
    1 - Charge d’une bouche à feu enveloppée dans du papier.

III
    Après avoir fait quelques pas, le cheval d’Antoine tomba d’épuisement. Le regard de cet animal mourant, qui avait enduré tant d’épreuves, la vue de ce corps étique couvert de coups de sabre, sa propre fatigue qui lui brisait les reins, enfin les émotions violentes qu’il avait éprouvées, tout poussait le jeune homme à vouloir s’abandonner quelques instants. Mais il luttait ; il ne devait rien laisser paraître ; il refusait de faiblir devant sa femme. Il lui trouva une place dans un chariot et marcha à ses côtés. Amélie n’était pas dupe, mais ne dit rien ; elle sentait que les mots seraient superflus et accentueraient l’accablement de son mari.
    Ils avançaient en silence lorsqu’un groupe de cavaliers s’approcha. L’un d’eux leur fit un signe de la main. C’était Cœur-de-Roi. Les Loisel se précipitèrent pour l’embrasser.
    — Où sont les tiens ? lui demanda Amélie.
    — Ici, en sûreté, par la grâce de Dieu, répondit le bordier.
    — As-tu des nouvelles de mes parents ?
    — Oui, Madame, ils n’ont pas voulu quitter Morlanges. Monsieur le marquis y est rentré après Cholet.
    Amélie eut l’air absent.
    — Je ne veux plus que tu m’appelles Madame. Tu dois me tutoyer comme tu le fais avec Antoine. Il n’y a plus de différence entre nous.
    — Je sais, répondit le paysan avec une assurance qui surprit agréablement la jeune femme.
    Laheu leur donna le cheval d’un hussard qui s’était aventuré trop près de l’armée et qu’il venait de tuer.
    Ils s’apprêtaient à quitter Varades lorsqu’ils entendirent une gigantesque clameur :
    — Vive La Rochejaquelein ! Vive le Roi !
    — Que se passe-t-il ? demanda Antoine.
    — Monsieur Henri vient d’être nommé général en chef à la place de d’Elbée, répondit Laheu.
    Les paysans continuèrent d’acclamer leur généralissime de vingt et un ans ; puis les survivants des paroisses de Morlanges et de La Boissière se réunirent pour former un convoi. Amélie prit place dans un chariot avec Bénédicte Laheu, ses parents et sa petite fille d’un an. Ils étaient immédiatement suivis par Loubette et sa famille. Antoine surveilla leur départ, puis rejoignit la tête de la colonne où se trouvait la cavalerie commandée par Stofflet. Venaient ensuite l’armée du Centre, puis le gros de la troupe suivi d’une longue caravane de voitures qui transportaient les civils et les blessés ; enfin quelques pelotons armés fermaient la marche.
    Dès qu’il en avait l’occasion, Antoine rejoignait Amélie. La nuit, ils couchaient en rase campagne ou dans les villes traversées à la hâte. Quand il n’accompagnait pas sa femme ou ne combattait pas, il allait mendier un peu de nourriture dans les fermes du voisinage. Depuis la traversée de la Loire, le couple n’avait presque rien mangé : trois pommes de terre à Varades, deux pommes à cidre à Candé, un quartier de gibier que Mange-Groles leur avait généreusement apporté

Weitere Kostenlose Bücher