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Dans l'ombre des Lumières

Titel: Dans l'ombre des Lumières
Autoren: Laurent Dingli
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Voisard continua à fouiller, trouva son portrait dessiné par Antoine qu’il dissimula sous sa robe, attendit une demi-heure puis sortit à pas de loup de la chambre où gisait le cadavre de Daubier.
     
    Le meurtrier était dans la rue, rasant les murs comme une ombre, lorsqu’il fut soudain surpris par une patrouille.
    — Halte ! Qui vive ?
    Voisard prit aussitôt la fuite. Les soldats se précipitèrent à sa poursuite, mais ne parvinrent pas à le rattraper. L’homme s’était une nouvelle fois évanoui dans les ruelles sombres.
    Il pénétra par la porte dérobée d’une maison où l’attendaient deux individus dont le plus âgé portait comme lui l’habit monastique.
    — Alors ? demanda ce dernier.
    — C’est fait, padre Ricardo , répondit Voisard. Ce vil espion ne m’empêchera plus de poursuivre ma mission.
    Le prêtre espagnol eut une expression de contentement. Sur ce visage livide et décharné d’où perçaient deux petits yeux noirs sournois, le moindre sourire paraissait hideux.
    — Pourtant, reprit Voisard avec conviction, si vous saviez, padre , ce qu’il m’en a coûté de tuer un homme…
    — Ce n’est pas un assassinat, mais un acte de justice. Vous servez Ferdinand et, à travers lui, notre sainte religion.
    — Accordez-moi tout de même l’absolution, padre . Même s’il fallait que j’élimine cet espion, mon cœur de chrétien souffre d’avoir dû tuer une créature, aussi malfaisante fût-elle.
    — Cette pensée vous honore, vicomte, surtout si l’on songe à tout ce que ces impies ont fait à votre famille.
    Avant de faire machinalement le signe de croix, le père Ricardo dit :
    — Que Dieu notre Père vous montre sa miséricorde ! Par la mort et la résurrection de son Fils, il a réconcilié le monde avec lui et il a envoyé l’Esprit saint pour la rémission des péchés… Et moi, au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, je vous pardonne tous vos péchés.
    Voisard prit la mine humble du pécheur agenouillé devant l’autel.
    — Quand je pense, ajouta le prêtre avec un léger accent espagnol, que ces heretges 2 voulaient vous faire passer pour un voleur et un assassin, leur imagination perverse n’a aucune limite.
    — Fort heureusement, j’ai pu déjouer leur trame infernale, padre . Mais ils continueront de me poursuivre. Mortellement blessée, la bête impériale n’en est que plus vicieuse.
    — Je vais vous aider à fuir, vicomte, pour que vous puissiez rejoindre les Cortes . Mais pourquoi ne pas vous réfugier auprès des Anglais, puisque vous étiez leur protégé à Londres ? Ils vous conduiraient plus facilement à Cadix.
    — Parce que les Anglais eux-mêmes ne doivent pas pénétrer l’objet exact de ma mission.
    Le moine eut l’air étonné, et même un peu sceptique.
    — Douteriez-vous de moi, padre  ?
    Le père Ricardo ne dit rien et réfléchissait.
    — Pour ma part, je vous fais entièrement confiance, reprit Voisard avec aplomb ; je vais donc vous dévoiler le but de ma mission, mais vous devez me jurer sur les Saintes Écritures que vous en garderez le secret.
    — Je n’ai pas besoin de faire un tel serment, Señor Vescomte . Je vous écoute, dit-il enfin après avoir fait sortir son serviteur de la pièce.
    — La chose est simple. Sa Majesté Catholique, dont le frère de Bonaparte a usurpé la couronne, m’a chargé de rassembler secrètement toutes les personnes influentes qui s’opposent à la Constitution édictée par les Cortes en avril, Constitution que Sa Majesté juge bien trop libérale et inspirée par les maudits principes de la Révolution française.
    À ces mots, le visage du père Ricardo s’illumina comme s’il était soudain touché par la grâce. Voisard, à qui rien n’échappait de la psychologie des hommes, de leurs faiblesses et de leurs intrigues, avait rapidement cerné les idées conservatrices du moine espagnol. Le prêtre vouait une haine presque maladive à l’Empire français qui n’était à ses yeux qu’un misérable avatar de la Révolution, c’est-à-dire, l’incarnation du Mal.
    — Mais pourquoi Sa Majesté envoie-t-elle un Français à Cadix et non pas un Espagnol ?
    — La chose est fort simple, padre . Le roi a eu la bonté de me faire confiance en raison des nombreuses relations que j’ai entretenues pendant mes longues années d’émigration dans toutes les cours du continent. J’ai aussi eu le bonheur de pouvoir servir utilement Sa Majesté
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