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Dans l'ombre des Lumières

Titel: Dans l'ombre des Lumières
Autoren: Laurent Dingli
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Bernat Noguès. On voyait qu’il surveillait les alentours avec méfiance. Daubier pouvait le faire arrêter, mais il préférait attendre au cas où Voisard se présenterait à son tour. La surveillance serait difficile car le fugitif pouvait revêtir toute sorte de déguisements. Le commissaire élimina d’emblée plusieurs suspects en raison de leur corpulence, de leur âge et de leur taille, mais il restait de nombreuses incertitudes sur les autres : cette femme un peu trapue qui se protégeait du soleil sous une ombrelle, cette autre qui portait son mocador de dol , son mouchoir de deuil, et ce moine encapuchonné qui marchait à vive allure, n’était-ce pas le diable en personne une nouvelle fois travesti ? Daubier ne pouvait prendre le risque de se poster dans la rue car Voisard le reconnaîtrait immédiatement. Il dut compter sur la perspicacité de ses alguazils ; il se contenta d’épier, depuis la fenêtre, les silhouettes et les démarches des passants.
    Il l’ignorait, mais Voisard se trouvait déjà à quelques toises de l’échoppe, déguisé en catalan. Le bagnard évadé sentit d’instinct quelque chose d’anormal ; il ralentit le pas tout en observant chaque individu de son regard d’aigle. Il prit encore la précaution de ne pas lever les yeux vers le haut des immeubles ni de s’arrêter de manière intempestive. Il continua donc de marcher, passa devant Noguès sans même le regarder. Depuis quatre ans, le boutiquier avait pris l’habitude de se dissimuler. Il comprit immédiatement qu’ils étaient surveillés et détourna le regard. Une nouvelle fois, Voisard put s’évanouir au milieu de la foule.
    Daubier sentait que le bagnard venait de lui passer sous le nez. Il se fiait toujours à son intuition, celle qui lui avait permis de résoudre tant d’affaires criminelles. En fin de journée, il fit perquisitionner l’échoppe où l’on trouva des armes ; puis il interrogea en vain Noguès qu’on jeta dans un cachot. Le soir même, il rentra dans la chambre mise à sa disposition par les autorités. Il n’avait pas perdu espoir ; bien au contraire, il sentait que l’étau se resserrait autour du fugitif. Il lui mettrait la main au collet, c’était désormais une question de jours.
     
    La nuit était chaude. Daubier avait laissé la fenêtre ouverte et la pleine lune éclairait légèrement son lit. Il s’allongea, brisé de fatigue. À l’extérieur, il n’entendait plus que le jappement d’un chien et le pas cadencé d’une patrouille qui remontait la rue. Il n’arrivait pas à trouver le sommeil. Il songea aux longues années passées à courir les routes ou à surveiller les bas-fonds de Paris. À quarante-deux ans, il n’avait pas encore fondé de famille, trop accaparé qu’il était par son métier. Après cette affaire, peut-être…
    Il s’endormit.
    Au bout d’une heure, il fut réveillé par une présence. Il ouvrit les yeux et fut saisi d’épouvante. Devant lui, à peine éclairée par la lune, se dressait la silhouette d’un moine revêtu de sa robe.
    — Qui êtes-vous ? cria le policier en se redressant.
    — Tu ne me reconnais pas ? demanda l’inconnu d’une voix d’outre-tombe.
    L’homme fit un pas en avant pour dévoiler son visage.
    — Voisard !
    Le commissaire jeta un coup d’œil à sa table de chevet où il avait déposé ses pistolets ; ils n’y étaient plus. Il voulut crier, mais Voisard le bâillonna avec l’une de ses mains puissantes, tandis que, de l’autre, il maintenait Daubier couché en appuyant sur son épaule. Le commissaire tenta de se lever, mais le bagnard l’assomma d’un violent coup de poing, puis commença à l’étrangler. Daubier se débattait de toutes ses forces. Son agitation ressemblait à la crise d’un épileptique. Il suffoquait ; la pression des pouces de Voisard sur sa trachée lui faisait endurer une douleur atroce. L’oxygène se raréfia rapidement ; le cerveau n’était plus irrigué ; il eut un spasme et la dernière vision claire de ce monde, le visage de son assassin ; ses yeux restèrent ouverts, son corps se figea.
    Voisard considéra Daubier pendant quelques secondes pour s’assurer qu’il était bien mort, puis se releva et commença à fouiller les poches de sa redingote.
    Un bruit venant du couloir lui fit soudain lever la tête.
    — Todo esta bien, Señor ?
    — Muy bien, muy bien, muchas gracias ! répondit l’assassin.
    Les bruits de pas s’éloignèrent.
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