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Dans l'ombre des Lumières

Titel: Dans l'ombre des Lumières
Autoren: Laurent Dingli
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Espagne, et ton bras droit manquant, des coïncidences…
    Saint-Amant soupira de lassitude.
    — Écoutez, Monsieur Loisel, j’ai suffisamment souffert dans ma vie pour ne pas avoir encore à me justifier de mes blessures. Il me semble que vous n’avez pas été épargné, vous non plus. Alors dissipons, s’il vous plaît, cette horrible méprise. Je vous donnerai toutes les preuves que vous me demandez si cela peut apaiser votre douleur. Et maintenant, laissez-moi, je suis fatigué.
    Antoine était totalement désorienté. Non, il n’allait pas encore se laisser amuser par l’imposteur. Mais le génie de cet homme était tel qu’il était parvenu à le troubler, même lui, Antoine Loisel, l’une de ses principales victimes. Le peintre tremblait de tout son corps. Il se sentait fiévreux. Il sortit l’un de ses pistolets en vacillant et commença à lever l’arme vers Saint-Amant, sans parvenir à tirer.
    Ce dernier recula d’effroi.
    — Monsieur, je vous en prie, vous allez commettre un crime.
    Antoine sentit ses forces l’abandonner, il leva encore son arme en essayant de viser le cœur de l’aristocrate, mais son bras tremblait.
    Il se passa soudain une chose extraordinaire ; alors qu’Antoine pointait toujours le pistolet dans sa direction, le visage de Saint-Amant se modifia. Antoine en fut frappé comme d’une balle en plein cœur. Ce regard borgne plein de haine froide, ce n’était plus celui de Saint-Amant, mais bien celui de Michel Voisard.
    Antoine voulut tirer mais une douleur au ventre le plia littéralement en deux ; il s’effondra sur le sol. Voisard resta un moment immobile, puis s’approcha de lui. Il l’observait avec les yeux du prédateur qui vient d’abattre sa proie. Antoine se tordait de douleur.
    — Tu… tu m’as empoisonné ? Tu as utilisé cette jeune fille pour m’empoisonner…
    Voisard ne répondit pas. Antoine fit un effort surhumain pour ressaisir son pistolet. L’imposteur n’essayait même pas de l’en empêcher, comme s’il voulait narguer sa propre mort. Et c’était sans doute pour la même raison qu’il avait volontairement eu ce regard plein de haine. Il s’était lui-même démasqué. Antoine parvint encore à lever l’arme tout en grimaçant de souffrance. Le coup partit, mais il ne fit que frôler Voisard.
     
    Quelques minutes plus tard, la jeune Isabelle et le majordome accouraient vers le bureau. Voisard eut soin de les attendre à l’extérieur.
    — Tout se passe-t-il bien, mon oncle ? Nous avons entendu une détonation.
    — Ne vous inquiétez pas, ma chère enfant, je montrais l’un de mes vieux pistolets espagnols à M. Loisel et le coup est parti par inadvertance, fort heureusement sans blesser personne. Laissez-nous maintenant, nous devons parler de choses importantes.
    Antoine essaya de crier, mais il ne put émettre qu’un léger râle. Voisard referma la porte derrière lui et vint s’asseoir sur le divan pour assister à l’agonie.
    Loisel parvint encore à murmurer.
    — J’ai tellement mal… Achève-moi.
    Voisard se contenta de le regarder de ses yeux glacés. La douleur d’Antoine se calma un peu. Avec ses phases douloureuses et ses apaisements trop brefs, son agonie était en quelque sorte à l’image de sa vie.
    — Tu crois me punir, soupira-t-il, mais tu me rends service… De toute façon, tu m’as déjà tué, il y a vingt ans ; et, moi-même, je ne suis plus qu’une ombre… Mais pourquoi t’être acharnée contre elle, mon Dieu, pourquoi, pour quelques bijoux ? Je ne peux pas y croire…
    Voisard demeura silencieux. Antoine voyait tanguer au-dessus de lui ce visage borgne et hideux. C’était comme si cet homme, en se mutilant, affichait enfin sa laideur intérieure. Puis la douleur reprit avec plus de virulence. Antoine sentait ses entrailles se déchirer sous l’effet de l’acide. Sa bouche rejeta une écume noirâtre.
    Pour ses derniers instants, il ne voulut plus voir le spectacle de la laideur. Il relâcha sa tête sur le parquet et se concentra sur le visage d’Amélie. Il allait enfin la rejoindre ; il ne souffrirait plus. La mort l’accueillait dans ses bras comme une mère bienveillante. C’était une délivrance. Il ne sentit plus rien, comme s’il n’avait plus de corps. Il était avec elle dans une campagne inondée de lumière. Puis la scène se transforma en une chambre très claire. Il n’y avait pas de fenêtres et toute la lumière, violente, pénétrait par une porte
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