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Dans l'ombre des Lumières

Titel: Dans l'ombre des Lumières Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Laurent Dingli
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donnait l’impression que l’avocat était le véritable maître de maison. De toute évidence, elle venait de pleurer. Virlojeux, en revanche, avait l’air calme, bien qu’il adoptât une attitude grave et presque solennelle. Antoine les observa de ses grands yeux écarquillés, comme s’il attendait une explication.
    — Allez-vous bien Madame ? finit-il par demander.
    — Très bien, assura-t-elle en s’essuyant subrepticement le coin de l’œil.
    — Pardonnez-moi, intervint Virlojeux, mais je dois prendre congé.
    Il les salua tous les deux, après avoir lancé un regard inquisiteur à Loisel. Éléonore ne disait rien ; elle ne faisait que sourire maladroitement, à la manière d’une enfant prise en défaut.
    — Je suis heureuse que vous soyez ici, reprit-elle enfin. Je parlais justement de vous à Monsieur Virlojeux.
    — Ah ! Vraiment !
    — Vous vous souvenez du projet qu’il a de publier une gazette afin de relater l’évolution des débats… Eh bien, imaginez que cet homme généreux a pensé à vous pour illustrer son journal.
    — À moi ? C’est une plaisanterie, je suis peintre, Madame, et non point barbouilleur de papier.
    — Vous vous méprenez, mon ami, il ne s’agit pas de cela. C’est une mission trépidante qui vous attend… si bien sûr vous l’acceptiez. Imaginez la chance que vous aurez d’approcher les plus grands noms des états généraux, les Mirabeau, les Le Chapelier, les Lameth, les La Fayette. J’aurais tellement aimé obtenir la place que vous semblez tant mépriser.
    — Alors pourquoi ne pas l’occuper ?
    — Cela m’est impossible, vous le savez bien. Ma position, la volonté d’Étienne, les devoirs que j’ai envers lui…
    — Dites-moi donc la vérité, cette idée vient-elle de vous ? N’est-ce pas plutôt un projet de M. de Virlojeux ?
    — Comme vous voilà méfiant, mon ami, de lui ou de moi, quelle importance !
    — Cela en a beaucoup…
    Il y eut un moment de silence, au terme duquel Antoine se leva brusquement, lança un regard hostile à Mme d’Anville et quitta la pièce sans même dire un seul mot. Jamais encore, il ne s’était comporté avec autant de grossièreté.

X
    Il tournoyait dans sa chambre comme un fauve. À certains moments, il s’en voulait d’avoir outragé Éléonore pour une blessure d’amour-propre. Mais des bouffées de rage resurgissaient aussitôt et sa culpabilité attiédissait à peine sa colère. Il lui en voulait mortellement. La trahison était insupportable. Après avoir joué la comédie des sentiments, elle avait fini par le mépriser, par lui cracher sa compassion au visage. Elle méritait mille fois des paroles humiliantes. Pourquoi devrait-il les regretter ? Elle prenait un malin plaisir à le torturer. Il l’imaginait caressante avec Virlojeux. Cet homme serait bientôt tout pour elle, et lui, freluquet ridicule, amant illusoire, n’était déjà plus rien.
    Il ressassait encore, quand il entendit frapper à la porte. Une intuition lui dit que c’était Éléonore ; elle venait sans doute implorer son pardon. Il le lui accorderait… peut-être. Il prit le temps de réagir pour lui infliger une première sanction. Mais, lorsqu’il ouvrit, il aperçut un laquais, vêtu d’une riche livrée, qui le fixait d’un air impavide.
    — Monsieur Loisel ?
    — Lui-même.
    — Mme de Nogaret m’a chargé de vous convier au souper qu’elle donne ce soir. Elle serait très heureuse que vous répondiez favorablement à son invitation.
    Antoine ne put dissimuler sa surprise. Il resta un instant sans voix, puis tenta de se ressaisir.
    — Ce serait avec joie, mais… je ne connais pas… Nogaret, dites-vous ?
    — Madame vous prie de bien vouloir vous rendre dans son hôtel, au faubourg Saint-Germain, à six heures. Une voiture viendra vous chercher.
    Le laquais resta impassible comme si les hésitations et l’embarras de Loisel n’avaient aucune espèce d’importance. Antoine n’eut même pas le temps de répondre. Quand il revint à lui, l’homme avait disparu. Il se précipita alors à sa poursuite.
    — Attendez ! Dites-moi au moins qui est Mme de Nogaret.
    Il n’entendit plus rien si ce n’est la porte grinçante de l’immeuble et le lointain vacarme de la rue.
    Une femme de condition l’invitait à souper, ce devait être une méprise. Il essaya de débrouiller cette nouvelle énigme. Mais, au bout d’une heure, la fatigue nerveuse et l’inutilité de ses

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