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Dans l'ombre des Lumières

Titel: Dans l'ombre des Lumières Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Laurent Dingli
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du Toulousain s’empourpra. Une dame, coiffée d’un chapeau rose à plumes, se leva, puis s’approcha de lui en souriant.
    — Comme je suis heureuse de vous rencontrer, Monsieur, on m’a dit le plus grand bien de vous.
    Gabrielle de Nogaret n’était pas à proprement parler une belle femme. Elle avait le front bombé, les pommettes saillantes, les lèvres fines et de grands yeux bleus un peu pâles. Mais son regard débordait d’intelligence et son maintien de raffinement.
    — Madame, c’est un honneur et un plaisir de faire votre connaissance, dit-il en s’inclinant légèrement.
    — Venez donc que je vous présente nos amis… Monsieur le comte de Neuville et monsieur le chevalier de Montfort.
    Neuville considéra Antoine avec une physionomie pleine de franchise. C’était un homme d’âge mûr, de grande taille. Il avait le visage carré, une perruque d’officier et de larges épaules. Ses traits, comme taillés à coups de serpe, contrastaient avec l’aménité de son expression.
    Quant à Montfort, il était aussi jeune que Loisel, à deux ou trois ans près. Il avait des façons de pédant et posait la main sur le bras du fauteuil comme on agrippe le pommeau d’une épée. Il était vêtu de noir, de pied en cape, et se donnait des airs altiers de mousquetaire gris ou de cadet de Gascogne.
    Un peu plus loin, une jeune fille se dérobait sous son grand chapeau à la tartare. Elle était vêtue d’un pierrot de pékin puce rayé aux larges bandes satinées, garni d’une ruche découpée. Elle avait dix-huit ans, était belle comme le jour, et se nommait Amélie de Morlanges.
    — Mademoiselle de Morlanges est l’une de mes nombreuses nièces du Bas-Poitou, précisa Gabrielle de Nogaret sur le ton de la confidence. Comme vous, Monsieur, elle découvre Paris.
    À ces mots, Amélie baissa légèrement la tête. Elle commença à rougir. Pendant les quelques secondes qu’il put dérober aux convenances, Antoine s’empressa de la détailler. Ses cheveux châtains, ondulés, ses yeux noirs aux longs cils recourbés, ses lèvres couleur rubis, légèrement ourlées, rehaussaient la blancheur délicate de son teint. Elle avait des gestes de femme qui épiçaient sa fragilité d’adolescente. Un tel mariage de profondeur et de vulnérabilité aiguisa l’intérêt du peintre. Mais ce qui l’attira davantage fut le regard plein de curiosité et de timidité qu’elle posa sur lui. Il crut y déceler un fond de mélancolie.
    À l’invitation de Mme de Nogaret, il s’installa. La place était idéale pour étudier discrètement les personnes qui l’intriguaient le plus et se trouvaient en face de lui, Neuville et, surtout, Amélie de Morlanges.
    — J’ai ouï dire que vous aviez beaucoup de talent et que vous espériez entrer à l’Académie royale de peinture et de sculpture, dit Mme de Nogaret, comme pour susciter l’intérêt de l’auditoire.
    — Vous avez l’extrême bonté de me prêter un talent que je n’ai pas, Madame, répondit Antoine. J’aimerais du moins avoir le plaisir de m’en approcher pour ne pas avoir l’infortune de vous déplaire.
    — Eh bien, vous me permettrez un jour, je l’espère, d’en juger par moi-même, fit élégamment Mme de Nogaret.
    Loisel comprit à ces mots ce que signifiait la politesse parisienne ; il découvrit cette légèreté, cette finesse dans le trait, si caractéristiques de l’esprit français. On lui posa des questions sur sa ville natale, ses voyages, son art… Tout en y répondant, il essaya d’élucider le mystère de l’invitation à souper. Mais la conversation ne lui fournit aucun indice. Qui donc avait parlé de son engouement pour la peinture ? Ce fat de Desprez ? Impossible ! Personne d’autre pourtant, du moins à Paris, ne connaissait ses œuvres. Virlojeux, les d’Anville ? Il n’y croyait guère. De toute façon, Antoine n’eut pas le temps de s’interroger. Quand il n’était pas occupé à surveiller ses manières, il tentait d’observer discrètement Amélie. Chaque fois qu’il posait les yeux sur elle, la jeune fille tournait la tête et fixait d’autres invités. Elle agissait avec une touchante maladresse et feignait sans doute l’indifférence par timidité. En revanche, lorsqu’il décrivait son voyage à Rome ou sa visite de l’Académie royale, elle l’écoutait avec attention ; son visage se tendait et ses beaux yeux noirs se plissaient légèrement.
    La discussion roula sur la

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