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Dans l'ombre des Lumières

Titel: Dans l'ombre des Lumières Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Laurent Dingli
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Nogaret, j’ai aussitôt pensé que c’était votre place, qu’à partir d’un tel observatoire vous pourriez gouverner les hommes et le monde.
    Éléonore fut à la fois gênée et attendrie par cette nouvelle maladresse. Elle esquissa un demi-sourire.
    — Diriger le monde ? Mes ambitions ne se portent pas si haut, je vous l’assure, je veux seulement pouvoir me diriger moi-même. Parler de la dernière pièce de théâtre, évoquer un traité de sciences naturelles ou de géographie, m’entretenir des religions de l’Inde ou des terres lointaines avec d’autres personnes curieuses, voilà qui suffirait amplement à mon bonheur… Sans oublier, bien sûr, l’assurance de votre amitié.
    — J’ai dû vous paraître si sot…
    — Je vous en prie, ne parlons plus de tout cela.
    Ils continuèrent à discuter comme deux parents qui se retrouvent après une longue absence. Antoine quitta Mme d’Anville rasséréné.
     
    Le surlendemain, il se mêla à la foule immense qui accueillit le roi à Paris. Il y eut une telle affluence qu’il ne put strictement rien voir. Au Palais-Royal, dans la soirée, il parvint toutefois à glaner quelques détails. Louis XVI, lui dit-on, avait été reçu à l’Hôtel de Ville par le marquis de La Fayette et l’astronome Bailly. Pour rendre hommage à sa bonne ville de Paris, qui lui avait si brillamment résisté, le roi avait trouvé bon d’accrocher la cocarde de la ville à son couvre-chef. Pendant quelques heures, le descendant de Saint Louis avait donc porté le même insigne patriotique que lui, l’humble dessinateur Antoine Loisel. Ce geste n’était-il pas, en soi, une révolution ? Sur le moment, le Toulousain ne comprit pas que cette parade était une humiliation terrible pour le roi ; il ne songea pas non plus à tout ce qu’il y avait de grotesque pour un monarque à féliciter des sujets rebelles.
    Le soir même, il reçut un billet de l’abbé Renard. L’ecclésiastique lui annonçait que son infortuné neveu venait de rendre son âme à Dieu, qu’il avait pu l’assister jusqu’au terme de son agonie et lui administrer les derniers sacrements. Avant la fin juillet, ajoutait-il, il s’en retournerait en Languedoc pour consoler son frère et toute sa famille ; il se disait fort impatient de recevoir des nouvelles d’Antoine ; il l’attendait à l’Oratoire le jeudi suivant.
    Le peintre ressentit tout d’abord de la joie à l’idée de revoir son cher abbé ; puis il fut tenaillé par l’agacement ; il avait l’impression que son passé dévorait son temps. Il vivait dans une telle effervescence que la compagnie d’un vieillard, même aimable, lui parut inopportune.
    Quelques jours passèrent. Il continuait de se rendre au Louvre et de travailler dans sa chambre, transformée pour l’occasion en atelier, mais il ne parvenait plus à se concentrer. La vie politique, les nouvelles, l’agitation permanente de la ville, tout devenait un sujet de distraction ; la Révolution opérait sur lui comme un sortilège. Il pensa à Virlojeux, au refus stupide qu’il lui avait opposé. Par le biais d’une gazette, il aurait pu approcher les nouveaux tribuns de la plèbe, concilier son métier et l’intérêt qu’il portait aux affaires du temps… comment avait-il pu décliner une offre pareille ! Il espérait surtout revoir Mlle de Morlanges et il devait, pour cela, solliciter au plus vite l’entremise du plaideur. Depuis leur première rencontre, la curiosité d’Antoine s’était un peu émoussée. Plus que du désir, il éprouvait désormais le besoin de relever un défi.
    Il se rendit à l’adresse que lui avait laissée Virlojeux. Il s’agissait d’un appartement situé près du boulevard du Temple. Il frappa à la porte, mais personne ne répondit. Il y retourna le lendemain, sans plus de succès. Le troisième jour enfin, un habitant du quartier lui apprit que l’avocat avait bien logé ici pendant quelque temps, mais qu’il habitait désormais dans l’hôtel parisien du comte de Neuville, aux Champs-Élysées. Antoine hésita ; il avait rencontré le gentilhomme dont il appréciait l’affabilité, mais ne pouvait se présenter chez lui sans y être convié ; le désir de revoir Amélie de Morlanges l’emporta toutefois sur les bonnes manières. Il alla donc chez Neuville.
    L’un des laquais s’apprêtait à l’éconduire quand Virlojeux, sortant de l’hôtel, fit signe au domestique de disposer.
    — Monsieur,

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