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De Gaulle Intime : Un Aide De Camp Raconte. Mémoires

De Gaulle Intime : Un Aide De Camp Raconte. Mémoires

Titel: De Gaulle Intime : Un Aide De Camp Raconte. Mémoires Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: François Flohic
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à voix basse :
    — Attention, bientôt marches…
    Puis, au moment où il lui faut lever le pied :
    — Marche, marche, marche… Fin des marches.
    La méthode se révèle particulièrement efficace à l’Opéra les soirs de spectacles officiels ; en effet, le Général pourrait porter des lunettes qu’il ne saurait distinguer les degrés de l’escalier de marbre blanc violemment éclairés par les projecteurs. La descente lui étant plus difficile, il porte alors ses lunettes car il a les projecteurs dans le dos.

    Parfois, l’aide de camp sert d’interprète bénévole à son président. Du 2 au 4 septembre 1959, le général Eisenhower, président des États-Unis, est en visite officielle en France. Le 3 au soir, de Gaulle le reçoit au château de Rambouillet en petit comité. À l’issue du dîner, les deux présidents devisent au coin d’un feu avec le colonel Vernon A. Walters comme interprète.
    Le lendemain matin, Eisenhower doit prendre l’hélicoptère pour Orly. Le valet de chambre du Général m’informe que le président des États-Unis est en train de visiter les cuisines au rez-de-chaussée du château. Aussitôt, de Gaulle quitte son appartement pour aller lui tenir compagnie. Comme Eisenhower, qui l’entraîne alors sur les chaises disposées devant la pièce d’eau, se met à lui parler, je dois faire l’interprète :
    — Au sujet de ce dont nous avons discuté hier soir, l’aventure de l’armement atomique est une aventure sans fin, dit-il. Après avoir fait exploser un engin atomique, il faut le militariser en bombe, puis mettre au point le missile pour la délivrer, enfin il faut passer au thermonucléaire. Croyez-en mon expérience, l’entreprise est sans fin et certainement pas à la portée de toutes les nations.
    Là-dessus, Walters arrive à la hâte, boutonnant sa tunique et, au fait des secrets évoqués, m’interroge :
    — François, es-tu Cosmic ?
    Cosmic est le degré d’habilitation américain pour connaître du nucléaire.
    — Dick, tu rigoles ! Je n’ai évidemment pas besoin de l’autorisation américaine pour traduire mon président.
    Un président qui ne se laissera pas intimider par la mise en garde dissuasive d’Eisenhower. Le 13 février 1960, la première bombe atomique française explose à Reggan, au Sahara.
    Walters est exceptionnel dans de nombreuses langues. J’ai assisté à la traduction, sans note, de l’allocution d’Eisenhower sur les marches de l’Hôtel de Ville. Au mot près, il a transmis le message de son président à la foule rassemblée sur la place. On aurait cru que c’était un Français qui lui parlait. Il eut d’ailleurs un franc succès. Walters, il est vrai, avait fait ses études au collège Franklin, à Paris, jusqu’à l’âge de onze ans.
    J’ai aussi servi brièvement d’interprète entre le Général et John F. Kennedy lors de sa visite officielle du 31 mai au 2 juin 1961. Durant le trajet d’Orly à Paris en voiture découverte, depuis l’entrée dans la capitale, je traduis comme je peux, du siège avant, la conversation entre les deux présidents.
    Le soir à l’Élysée, après le dîner officiel, les invités sont présentés à Kennedy. Je sais qu’il souffre d’une blessure de guerre au dos. Le décalage horaire doit aussi le fatiguer. Il me fait dire de lui apporter un verre de cognac que je pose sur le guéridon. Je l’observe pendant qu’il boit discrètement de petites gorgées, à intervalles réguliers, lorsque soudain il me demande de lui indiquer les toilettes. Tandis que je l’accompagne, il me dit :
    — Moi aussi, j’étais un marin.
    — Monsieur le président, nous savons tout de votre conduite héroïque dans le Pacifique.
    C’était un charmeur auréolé de la jeunesse, de l’intelligence, de la puissance des États-Unis, des dons qu’il mettra à profit pour s’opposer à la politique de la France en Europe. Une certaine sympathie s’installe entre nous. Il a été jusqu’à dire en français à ma femme :
    — Il est très bon, votre mari !
    J’ai ressenti douloureusement son assassinat à Dallas, le 22 novembre 1963.
    Pendant son séjour à Paris, il est accompagné d’un médiocre interprète. Autant que je peux en juger, Kennedy dispose d’un vocabulaire plus riche que celui d’Eisenhower, mais son interprète n’est pas à la hauteur des circonstances. À l’Élysée, au déjeuner d’une trentaine de couverts, comme un membre de la

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