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Délivrez-nous du mal

Délivrez-nous du mal

Titel: Délivrez-nous du mal Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Romain Sardou
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perditions des hérétiques, grâce au père Evermacher.
    Seulement, à l’évidence, ce n’était qu’une manière de gagner du temps ; les autorités à Rome ne savaient comment interpréter les événements de Cantimpré et avaient résolu d’attendre avant de se prononcer.
    — Un rapt d’enfant, murmura Tagliaferro. C’est hélas trop fréquent. Certains malheureux sont arrachés à leurs parents pour être voués à la prostitution ou au vol, d’autres servent à des rites sataniques, la cendre de leurs corps entre dans la composition des hosties infernales, leur langue est mélangée à du sang de huppe, les cordons ombilicaux sont changés en porte-bonheur. Il existe un trafic diabolique d’enfants des deux sexes morts avant baptême. Quelques femmes de haut lignage, infertiles, font ravir des nourrissons pour se les approprier en secret et ne plus courir le risque d’être répudiées. D’autres, celles-là mères d’enfants morts en bas âge, font enlever des enfants qui leur ressemblent trait pour trait, pour aussi duper leur mari et conserver leur influence.
    — Mais les enfants de Cantimpré ne sont pas comme les autres enfants de la région, dit le père Aba après avoir blêmi à l’énoncé de ce chapelet d’horreurs. Ils naissent par miracle.
    — Cela peut avoir attiré d’autant l’attention de quelques horribles pervers. Que comptes-tu faire ?
    — Je souhaiterais avoir accès à vos archives.
    Tagliaferro leva ses sourcils :
    — Tu es franciscain, Guillem. Nos ordres ne sont plus vraiment alliés. J’aurais du mal à faire accepter une telle faveur.
    — Il le faut. Pour moi !
    À son origine, l’ordre des dominicains devait se vouer à la prédication, louanger, bénir et prêcher. Aujourd’hui, ils faisaient office d’émissaires dans les conflits entre nobles, veillaient à l’exécution des brefs apostoliques, supplantaient l’autorité des évêques, archivaient les interrogatoires, recueillaient les délations, traquaient les hérétiques, sans parler du contrôle de la bonne conduite de leurs coreligionnaires. Leur rôle d’inquisiteurs les faisait honnir par la population des fidèles qui ne prenaient jamais tant de plaisir que lorsque l’un des leurs se voyait châtié par les évêques. Évêques qu’ils haïssaient hier !
    Les archives du couvent dominicain de Narbonne occupaient dix-sept salles et trois caves. Les bâtiments contigus de la maison avaient été acquis par l’ordre mendiant pour y faire pénétrer la cathédrale de papier qui s’amoncelait chaque année sous son autorité. Ici, tout était conservé : des aveux de concussion du comte de Toulouse avec les cathares jusqu’à la dénonciation infamante d’un boulanger cocu sur les mœurs de sa femme ; la moindre déposition, les comptes rendus d’investigation, les sévices exercés sur un suspect étaient enregistrés le long de ces étagères.
    Même sous l’ère des empereurs romains, nul n’avait réussi à compiler une si vaste somme de renseignements sur des populations ; personne n’avait porté à un tel degré d’efficacité un instrument de subornation.
    Les archives étaient protégées par des gardes dispersés dans le dédale de corridors et par de puissants barreaux de fer dressés aux croisées.
    Jacopone Tagliaferro finit par accéder à la demande du père Aba.
    Le prêtre de Cantimpré pénétra dans ce labyrinthe de Cnossos, il n’y rencontra que sept personnes : deux archivistes proprement dits, trois copistes, et les deux placeurs.
    Ces placeurs étaient des femmes : sœur Dominique et sœur Sabine. Véritables Argos, créatrices d’un procédé de classification unique, elles étaient, disait-on, devenues les archives de Narbonne.
    Petites, habillées de blanc, elles se ressemblaient comme des jumelles. Malgré leurs visages qui voyaient rarement le soleil, elles avaient toutes les deux un œil magnifique et sans cesse allumé. Le père Aba, qui les rencontrait pour la première fois, ne sut ni dire leur âge ni préciser qui était Sabine et qui était Dominique.
    De leur côté, les religieuses observèrent avec indifférence ses cicatrices.
    — Je voudrais consulter ce qui se rattache à des enlèvements ou des tentatives d’enlèvements d’enfants dans la région, demanda-t-il.
    — Quel type d’enlèvement ? Trafic, satanisme, orgie ? Sur combien de temps ?
    — Tous. Pour les deux dernières années.
    Les nonnes y consentirent et

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