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Délivrez-nous du mal

Délivrez-nous du mal

Titel: Délivrez-nous du mal Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Romain Sardou
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éloigné et moins ils pensent courir de risques.
    — Ces pervers, nous les baptisons des « Conomors ».
    — Du nom d’un certain roi breton d’autrefois qui couvait ces penchants comme personne.
    Le père Aba les interrompit :
    — Comment est-on remonté jusqu’à eux ? Comment se sont-ils fait prendre ?
    Les nonnes firent un mouvement de tête qui voulait dire « moitié la chance, moitié l’acharnement » :
    — Des enfants se sont enfuis et ont parlé, des familles ont osé porter plainte.
    — Un compagnon de débauche du seigneur s’est repenti de ses péchés. Sans ces divers éléments…
    — … un grand seigneur peut rester indéfiniment invulnérable.
    — Sauf au regard de Dieu !
    Aba était estomaqué.
    — Savez-vous comment les enfants sont choisis ? s’enquit-il.
    — Certains sont enlevés au hasard.
    — D’autres doivent répondre à un caprice particulier du seigneur.
    — Ce dernier peut vouloir des victimes ayant telle couleur de cheveux ou tel grain de peau.
    — Des enfants de vieux ou des jumeaux.
    — Le comte de Bargaudeau, par exemple, avait un faible pour les garçonnets contrefaits.
    — Le comte de Farcy préférait les filles non baptisées.
    — Leurs hommes de main s’élancent, enquêtent dans toutes les régions, font parler les gens…
    — … se constituent des complices, traquent leurs proies…
    — Puis s’abattent sur elles !
    Très fortement troublé, le père Aba demanda à rester cinq jours aux archives. Il lut l’intégralité des dossiers et des enquêtes, notant le moindre détail qui pouvait l’intriguer. Il dormit au sein même des registres dominicains, ne quittant plus les rayons de livres, commençant à connaître certaines allées par cœur.
    Les nonnes s’occupaient de lui comme d’un enfant. Installé dans les caves, Aba ne discernait presque plus le jour de la nuit.
    Il s’était muni d’une carte de la région et inscrivait méthodiquement une marque sur chaque lieu où un enfant était déclaré manquant.
    — Je vais porter mes pas sur chacun de ces points et enquêter, dit-il enfin à Tagliaferro lorsqu’il crut avoir récolté assez d’informations. Je mise mon salut que l’enlèvement de Perrot n’est pas un acte isolé.
    Mais le supérieur dominicain s’inquiétait :
    — Tu cours bien des risques de te voir trompé. Si Perrot a été enlevé pour le plaisir sanglant d’un seigneur pervers, tu devrais renoncer. Seul, tu n’es pas de taille. Même nous, les inquisiteurs, avons les plus grandes difficultés à nous en prendre aux puissants. Certains nobles comme certains prélats sont invincibles. Je renonce parfois à lancer mes frères sur certaines pistes, de peur de regretter les découvertes qu’ils pourraient faire…
    — Mais justement, moi je suis trop petit, argua Aba. Dans leur infinie précaution, ceux qui ont enlevé Perrot s’attendent à tous les coups et à tous les adversaires, mais pas à l’insignifiant prêtre de Cantimpré…
    Tagliaferro secoua la tête. Tout dans la physionomie de Guillem Aba disait que, sa résolution prise, il ne s’en dessaisirait plus.
    — Je sais qu’un homme averti ne vaut rien, dit le dominicain, mais le vieux trumeau que je suis te conseille, à toutes fins utiles, de renoncer à cet enfant. Retourne donc à Cantimpré, reprends ta vie ordinaire. Laisse le Seigneur exprimer ses voix.
    Le père Aba se raidit :
    — Non, mon père, cela, je ne le pourrai jamais.

C HAPITRE 10
    À Monseigneur Beautrelet, évêque de Cahors, de la part du nouveau vicaire de la paroisse de Cantimpré, Augustodunensis de Troyes.
    Monseigneur ; je me vois forcé de vous remettre le récit des dernières heures vécues en ma paroisse. Je l’écris afin de vous apprendre les raisons absolues qui m’ont poussé à cette extrémité :
    J’ai anathématisé la communauté des fidèles de Cantimpré.
    Augustodunensis était seul à la grande table du presbytère. Il écrivait sur un vélin clair, d’une écriture étroite et nerveuse. La moitié de son visage était brûlée à vif. Il souffrait tant que chaque mot rédigé était comme une victoire.
    Depuis le départ du père Aba, le destin s’était acharné sur le vicaire de Cantimpré.
    En premier lieu, la disparition inexpliquée du prêtre et l’assassinat de Paulin sur le plateau avaient indigné et terrifié la population.
    En second lieu, l’une des femmes enceintes, bouleversée par les

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