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Dernier acte à Palmyre

Dernier acte à Palmyre

Titel: Dernier acte à Palmyre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Lindsey Davis
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vivaient simplement comme des ouvriers obligés de travailler ensemble. Cette situation imposée avait fait naître une certaine loyauté entre eux, mais rien n’indiquait qu’ils auraient choisi de devenir amis. Obligés de partager la même tente de couvertures en poil de chèvre, ils avaient fini par donner l’impression au reste de la troupe qu’ils formaient un tout. Et vivre à la hauteur de cette réputation provoquait peut-être des tensions cachées.
    À la vérité, ils me fascinaient. Quelques amitiés sont plus fortes quand l’un des partenaires est facile à vivre et l’autre plus tendu. Ç’aurait dû être le cas ici. Le flegmatique Grumio aurait dû s’estimer satisfait d’avoir un partenaire comme Tranio que je trouvais, malgré ses insultes à mon égard, plus intéressant. Il était cynique et persifleur : tout à fait mon genre d’homme. Mais pourquoi s’obstinait-il à remplir sans cesse ma coupe ?
    L’idée qu’une jalousie professionnelle avait pu se glisser entre eux m’effleura l’esprit, même si je n’en avais surpris aucune manifestation. Et puis mes lectures m’avaient permis de découvrir qu’ils avaient tous les deux leur place sur scène. Il n’empêche que chez Grumio, le plus flegmatique, je percevais une grande réserve. Il paraissait plaisant et inoffensif, mais pour un détective privé, cela pouvait signifier qu’il dissimulait un dangereux secret.
    L’outre était vide. Tranio la secoua pour en extraire les dernières gouttes, avant de l’aplatir sous son coude.
    — Alors, Falco ! (Il voulait apparemment changer de sujet.) Tu te lances dans les adaptations de pièces. Comment trouves-tu ça ?
    Je lui fis part de mes pensées sincères, et plutôt moroses, sur les Nouvelles Comédies.
    — Oh ! tu les lis ? Chremes t’a confié le répertoire de la compagnie ?
    J’acquiesçai d’un signe de tête. Il m’avait en effet remis un coffre bourré de parchemins qui y étaient entassés dans le plus parfait désordre. Les remettre dans le bon ordre pour constituer des pièces entières m’avait occupé pendant tout le trajet entre Pétra et Bostra, avec l’aide d’Helena qui adorait ce genre de jeu de patience. Tranio ajouta négligemment :
    — J’aimerais bien venir y jeter un coup d’œil, à un moment ou un autre. Heliodorus avait emprunté quelque chose qu’on n’a pas retrouvé parmi ses effets personnels…
    — Quand tu voudras, acceptai-je.
    Il avait éveillé ma curiosité, mais je n’étais plus en état de m’intéresser à un stylet disparu ou à une bouteille d’huile pour le bain. Je parvins à me mettre péniblement sur mes pieds, désireux de cesser de torturer mon foie et mon cerveau. J’avais abandonné Helena plus longtemps que prévu, et je mourais d’envie d’aller me coucher.
    En voyant la façon dont le vin m’avait affecté, le clown le plus brillant affichait un large sourire. Je n’étais cependant pas le seul touché : Grumio gisait près du feu, étendu sur le dos, la bouche grande ouverte.
    — Je vais te reconduire jusqu’à ta tente, déclara mon nouvel ami. Autant faire les choses pendant qu’on y pense.
    Comme son bras ne serait pas de trop pour m’aider à marcher, je ne soulevai aucune objection. Il prit donc une lampe pour me raccompagner.

17
    Helena paraissait dormir profondément, mais je reniflai l’odeur d’une mèche éteinte depuis peu. Elle fit pourtant mine de se réveiller avec difficulté :
    — Qu’est-ce que j’entends ? Le chant matinal du coq ou mon chéri complètement ivre qui roule jusqu’à sa tente ?
    — C’est moi, complètement ivre…
    Je ne mentais jamais à Helena qui, de toute façon, était bien trop fine mouche pour s’y laisser prendre. J’ajoutai tout de suite :
    — J’ai amené un ami.
    Je crus l’entendre étouffer un grognement.
    La flamme vacillante de la lampe de Tranio dessinait d’étranges formes sur les couvertures qui nous servaient de toit. Je lui désignai d’un geste vague le coffre contenant les textes qu’on m’avait confiés, avant de me laisser tomber assis sur un tas de bagages en pensant : Qu ’ il se débrouille tout seul ! Je vis Helena jeter un regard furieux au clown, avant de se retourner vers moi – je tentai de me convaincre qu’elle me regardait avec un peu plus d’indulgence que lui.
    — Je cherche quelque chose qu’Heliodorus avait subtilisé, expliqua Tranio, apparemment fort peu soucieux de l’humeur de ma compagne. Je veux

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