Dernier acte à Palmyre
comptent là-dessus pour garder leur travail chez nous !
Je ne pus m’empêcher de serrer les mâchoires.
— Si c’est une pierre dans mon jardin, laisse-moi te dire que je ne demande pas la charité. J’avais une mission à accomplir avant de vous rencontrer.
— On dit que tu es détective privé ?
— J’essaie en effet de retrouver une jeune musicienne qui s’appelle Sophrona.
— Oh ! on s’était dit entre nous que ton travail était plus politique.
Je prétendis être très étonné par cette drôle d’idée et continuai à parler de Sophrona.
— Si je peux la retrouver, ça va me rapporter un gros paquet. Malheureusement, tout ce que je sais d’elle, c’est qu’elle peut jouer de l’orgue à eau comme si elle avait reçu des leçons d’Apollon lui-même. Et qu’elle vit sans doute avec un homme de la Décapole qui s’appelle Habib.
— Connaître le nom de l’homme devrait te faciliter la tâche.
— Oui, c’est bien ce que j’espère. Mais cette Décapole me paraît une région assez mal définie. Trop vaste en tout cas pour y errer sans renseignements plus précis – comme un prophète dans le désert.
— Qui t’a demandé de retrouver cette fille ?
— Sa patronne, pardi ! Celle qui lui a payé ses cours pendant des années.
Phrygia hocha la tête d’un air entendu. Elle savait ce que la formation d’un musicien coûtait.
— Et que va-t-il arriver si tu ne la trouves pas ?
— Je rentre à la maison sans le sou.
— On pourrait tous t’aider à la chercher…
— Ça, ce serait gentil. Et donnant donnant. Si vous m’aidez à mettre la main sur elle quand nous serons dans la Décapole, moi, outre mes adaptations, je ferai de mon mieux pour démasquer votre assassin.
L’actrice frissonna. Ce n’était vraisemblablement pas simulé.
— C’est quelqu’un qu’on connaît… Quelqu’un qu’on côtoie tous les jours…
— Oui, Phrygia. Quelqu’un avec qui vous prenez vos repas. Un homme avec qui quelqu’un couche probablement. Quelqu’un qui arrive peut-être en retard aux répétitions, mais n’en donne pas moins une bonne représentation. Quelqu’un qui a pu se montrer gentil, qui t’a fait rire ou parfois irritée. En résumé quelqu’un comme n’importe quel membre de la troupe.
— C’est horrible ! s’écria-t-elle.
— Oui, il s’agit d’un meurtre.
— On doit découvrir qui c’est !
Elle donnait l’impression de vouloir confondre le coupable. Et mon expérience me disait que je devais me préparer à avoir cette femme perpétuellement dans les jambes, ce qui m’empêcherait de travailler correctement.
— Alors qui pouvait le haïr à ce point, Phrygia ? Pour l’instant, je suis toujours à la recherche d’un mobile. Savoir avec qui il entretenait des relations serait au moins un début.
— Des relations ? Il a tenté sa chance avec Byrria, mais elle l’a repoussé. Il traînait parfois du côté des musiciennes, mais presque toutes lui disaient franchement ce qu’il pouvait faire de son petit instrument. À part ça, il était bien trop intéressé par sa propre personne pour s’impliquer dans grand-chose.
— Il était rancunier ?
— Ça oui. Il en voulait à Byrria. Mais tu sais qu’elle n’est pas allée sur la montagne sacrée. Et Chremes m’a dit que tu avais entendu le tueur parler, qu’il s’agissait d’un homme.
— Il pouvait s’agir d’un homme qui défendait Byrria. (Quand je vois une jolie femme, je pense à des tas de mobiles stupides.) Qui d’autre a envie d’elle ?
— Tous les hommes ! rétorqua Phrygia d’un ton particulièrement sec. (Elle pinça un instant les lèvres d’un air pensif.) Mais Byrria sait se tenir, il faut le reconnaître.
— Il y avait pourtant un tas de types qui la guettaient ce soir.
— Est-ce qu’elle s’est montrée ?
— Non, fus-je obligé d’admettre.
— Et ça t’a surpris, hein ? Tu t’es dit que moi j’étais assez vieille pour y voir clair dans leurs flatteries, et Byrria assez jeune pour les écouter !
— Je suis sûr que tu as encore des tas d’admirateurs. Mais revenons à Byrria. Si elle a repoussé Heliodorus et qu’elle ne cède pas à sa popularité auprès des spectateurs mâles, ça veut dire quoi ?
— Ça veut dire qu’elle est ambitieuse. Et qu’elle ne veut pas d’une courte nuit de passion qu’elle pourrait regretter toute sa vie. Elle veut se consacrer à son métier.
Phrygia ne détestait pas la jeune beauté autant que
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