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Des Jours sans Fin

Des Jours sans Fin

Titel: Des Jours sans Fin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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hospitalisation) et la signature du médecin-détenu responsable. Quoique ma signature fût parfaitement lisible, Kreindl me demanda :
    — « Qui donc a signé ce carton ? »
    — « C’est moi, Monsieur l’Unterscharführer. »
    — « Et c’est vous qui avez inscrit : phlegmon du pied droit ? »
    — « C’est moi. »
    — « Cet homme n’a pas…»
    — « Mais, Monsieur l’Unterscharführer…»
    — « N’a pas de phlegmon et n’avait pas de phlegmon. »
    — « Cependant, vendredi…»
    — « Et n’avait pas de phlegmon vendredi dernier. C’est tout. Vous n’ignorez pas à quoi s’exposent les saboteurs. Vous pouvez disposer. »
    — Je claquai les talons et je disposai.
    — Infortuné Debrise, infortuné Lep. surtout. Pardonne-moi, mon cher Lep. si je révèle que, déjà en 1944, on ne te comptait plus parmi les jeunes, si ton tonus moral était remarquable la carcasse se finissait de part en part, et tu t’acheminais doucement vers le naufrage. Ce vendredi, tu t’étais présenté chancelant, mais tout excité à l’« Ambulanz ». Un S.S., au cours de sa ronde vespérale, avait remarqué ta voix de ténor.
    — « Dommage, avait-il grommelé, que tu sois si moche et si mal en point, sinon je t’aurais requis pour chanter au réveillon des officiers, mais ces messieurs n’aiment pas les vieux débris comme toi. Si tu arrives à te retaper d’ici la semaine prochaine, je t’embauche, on te frusque de neuf, tu pousseras ta mélodie, gueuleton et tout…»
    — Et Lep. suppliait :
    — « Debrise, il faut que tu m’admettes au Revier, tu m’entends, il le faut ! »
    — Au Revier, pas question. Il était surpeuplé, et Lep. n’avait rien.
    — « Mais je vais tâcher de te faire entrer en douce au Schönungs. »
    — Le Schönungsblock, block des convalescents, c’était le fief d’Oswald, Oswald né polonais, classé droit commun, mais nazi de cœur et bourreau modèle. Une sympathie mitigée nous unissait, Oswald et moi ; nous ne nous disions même pas bonjour. « Pile ou face », tant pis s’il me dénonce. Je vais le quérir.
    — « Oswald, lui déclarai-je, nous ne nous aimons guère et je ne t’ai jamais rien demandé. J’ai ici un ami qui a besoin de se reposer cinq ou six jours. Pour lui, c’est vital. Nulle part, il ne sera mieux que chez toi. »
    — « Compris, me fait Oswald – et il avance une main d’assassin dans laquelle je lui laisse broyer la mienne. Tu peux compter sur moi. Je veillerai sur ton Lep. jusqu’à jeudi. »
    — Lep. exultait, et paré d’un phlegmon imaginaire, pénétra la tête haute dans le Schonungsblock.
    — Malheureusement, le mardi matin, Kreindl vint fourrer son nez dans le block à l’instant « pile » où Oswald était occupé à la Schreibstube. Il dénicha Lep. qu’Oswald se fût arrangé pour cacher, flaira l’entourloupette, chassa l’homme, se fit apporter sa carte d’admission.
    — Lep. était sauvé quand même : vêtu d’un pyjama de soie blanche, flambant neuf, il allait se tailler un succès colossal, au réveillon S.S., avec les Millions d’Arlequin.
    — Mais Debrise ? Debrise, à qui Kreindl avait promis le sort des saboteurs, attendait – « pile ou face » – le verdict… Oswald, très grand seigneur, vint lui présenter ses excuses, lui expliquer les dessous de l’affaire et l’assurer de son indéfectible bonne foi… Les jours passèrent, j’attendais toujours… Kreindl, après avoir feint de m’ignorer, daigna s’apercevoir à nouveau de ma présence au Revier, mais je n’obtins l’explication qu’après la Libération.
    — L’épisode du « cognac » qui se situe à la fin de l’hiver, ne fut qu’un incident véniel. Le grand drame ne devait éclater que le 12 avril.
    — Avril 1945. Venues de l’Est et de l’Ouest, les masses alliées s’infiltrent en terre allemande. C’est la curée, un hallali qui décuple la férocité du monstre pris au piège. Tandis que Buchenwald et Dachau ne sont déjà plus que des souvenirs, chez nous on meurt à un rythme accéléré. Pour chaque homme, c’est un « pile ou face », chaque jour réitéré.
    — « Combien de cadavres cette nuit ? »
    — « Trois cent soixante-quatorze, Monsieur l’Unterscharführer. »
    — « Bien. »
    — Et ce « bien » résume dans la bouche de Kreindl l’oraison funèbre de trois cent soixante-quatorze résistants.
    — On

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