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Des Jours sans Fin

Des Jours sans Fin

Titel: Des Jours sans Fin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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horizontaux, enfin on exécutait des bonds au sifflet : plat-ventre – bond en avant – plat-ventre… Après une et parfois deux heures de ce régime, surtout à Mödling où la cour, recouverte de pierraille, était à flanc de coteau, on était exténué.
    — Les évasions ou tentatives d’évasions étaient aussi l’occasion de brimades intenses. Je n’ai connu que peu d’évasions chez Heinkel : trois ou quatre tentatives à Schwechat, une à Floridsdorff, une à Mödling. Seule celle de Floridsdorff réussit car les deux détenus connaissaient à fond la région et étaient des privilégiés du camp, donc solides. Ils possédaient tous les atouts dans leur jeu. Les héros des tentatives de fuite étaient voués à la mort après tortures, mais tout le camp tenu pour responsable payait également avec un minimum de quatre heures de piquet dans la cour, à la sortie de l’usine. C’était dur en hiver.
    — Je subis d’assez nombreuses séances de piquet au cours de mes dix-neuf mois de kommando car, bien souvent, de prétendues tentatives d’évasion furent invoquées, comme une nuit de février 1944, par exemple, où l’on nous réveilla à une heure du matin pour attendre le jour et le commencement du labeur debout, dehors en rangs. Il arriva même que le camp tout entier soit ainsi puni sans que personne, même parmi les caïds, en sache la raison.
    — Bien des morts résultèrent de ces vexations. René Le Tanter, par exemple, prit le mal qui le foudroya au moment de Noël 1943 en « plantant » un fameux soir quelques jours auparavant.
    — Dans les bagnes nazis régnait, heureusement, rendant la vie un peu moins dure, une belle camaraderie. Certes, tout n’était pas parfait, de nombreuses jalousies, de fréquentes critiques réciproques, des actes inspirés du plus vil égoïsme, mais il existait, malgré tout, une entente générale, un sens de la solidarité dans la misère qui permirent de bien beaux gestes en même temps que l’éclosion de solides amitiés.
    — Dans une commune équipe de travail, nous tendions à nous rapprocher les uns des autres, à nous aider et à nous défendre. De plus, la plupart se groupaient par deux ou trois, suivant les circonstances ou les affinités pour constituer ces « gourbis » dont il a déjà été question. L’entente était généralement absolue à l’intérieur de ces petites cellules, la confiance totale, c’était très beau. Tout y était partagé, bon et mauvais, et chacun pensait toujours à son ou à ses associés.
    — Les circonstances aidant, une indéfinissable sympathie réciproque avait fait que je m’étais allié ainsi avec Albert Lespinasse, dès septembre 1943, au block 19 de Mauthausen. Je crois qu’il est impossible de pousser la fraternité entre deux êtres plus loin que nous y étions parvenus.
    — Au mois de février 1944, un bruit se propagea dans le camp : « Les Français, jusque-là complètement coupés de leur pays, vont enfin pouvoir écrire. » À priori, cela étonna ceux d’entre nous dont les dossiers s’ornaient du fatidique « N.N. », mais… l’espoir ne fait-il pas vivre ?
    — Et de fait, quelques jours plus tard, chacun reçut une carte où il pouvait tracer vingt-cinq mots de correspondance familiale. Il était permis d’y demander des colis mais fortement déconseillé de signaler un état de santé déficient, les privations ou les souffrances. Enfin, en France, on saurait quelque chose de nous, nous recevrions nous aussi, comme les Polonais, les Tchèques ou les Yougoslaves, lettres et paquets, le rideau de fer s’entrouvrait xxxii .
    — Cela occupa les esprits pendant longtemps et les conversations portaient volontiers sur les fameux colis espérés, presque certains désormais. Il se forma d’autres « gourbis ». Le mien fusionna avec celui de Paul Belvert et d’Edgard Chauvin. À nous quatre, un colis durerait peu, on craindrait moins les vols et ainsi chacun fournissant à tour de rôle, nous disposerions d’un bon supplément.
    — Six semaines après, aucune réponse, aucun envoi n’était encore arrivé, mais une deuxième carte fut distribuée. N’était-ce pas la preuve qu’à Mauthausen le contrôle avait bien laissé passer les premières ? Ce fut une grande joie.
    — Il fallut bientôt déchanter. Quelques jours plus tard, on rendait leurs deux cartes à tous les N.N. L’interdiction pour eux demeurait.
    — Albert et moi étions du

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