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Des souris et des hommes

Des souris et des hommes

Titel: Des souris et des hommes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: John Steinbeck
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est jolie, dit Lennie pour la
défendre.
    — Oui, et pour sûr qu'elle fait de
son mieux pour le cacher. Curley a pas fini d'en voir. J’parie qu'elle filerait
pour vingt dollars.
    Lennie regardait toujours la porte qu'elle
venait de quitter.
    — Bon Dieu, ce qu'elle était
jolie ! Et il souriait d'admiration. George lui jeta un regard rapide,
puis il le prit par l'oreille et le secoua.
    — Écoute-moi, bougre de con, dit-il
furieux, t'avise pas de regarder cette garce. J’me fous de ce qu'elle dit ou de
ce qu'elle fait. C'est pas la première fois que je vois des poisons comme ça,
mais j'ai jamais rien vu de meilleur pour faire coffrer un type. Laisse-la
tranquille.
    Lennie essayait de se dégager l'oreille.
    — J'ai rien fait, George.
    — Non, bien sûr, mais quand elle
était là, sur la porte, à montrer ses jambes, tu regardais pas de l'autre côté.
    — J pensais à rien de mal,
George. Vrai de vrai.
    — En tout cas, t'approche pas d'elle,
parce que, comme piège à rat, on n' fait pas mieux. Laisse Curley s'y
faire coincer. C'est lui qui l'aura voulu. Un gant plein de vaseline ! dit
George avec dégoût. Et j’parie qu'il bouffe des œufs crus et qu'il écrit à
toutes les pharmacies.
    Lennie s'écria brusquement :
    — J’me plais pas ici, George. C'est
pas un bon endroit. J’veux m'en aller.
    — Il faut rester jusqu'à ce qu'on ait
un peu de pèze. On n'y peut rien, Lennie. Nous partirons dès qu'on pourra. J’l'aime
pas plus que toi, ce patelin.
    Il se dirigea vers la table et commença
une autre réussite.
    — Non, j’l'aime pas, dit-il. Pour un
rien, j’foutrais le camp. Si seulement on peut s' faire quelques dollars,
on s'en ira remonter l'American River et laver de l'or. On pourra gagner deux
ou trois dollars par jour, là-bas, et puis on trouvera peut-être un filon.
    Lennie se pencha anxieusement vers lui.
    — Partons, George. Partons d'ici.
C'est pas franc, ici.
    — Faut que nous restions, dit George
sèchement. Tais-toi, maintenant. Les types vont venir.
    Dans le lavabo voisin on entendait des
bruits d'eau courante et de cuvettes remuées. George étudiait ses cartes.
    — On devrait peut-être aller se
laver, dit-il. Mais nous n'avons rien fait pour nous salir.
    Un homme très grand se dressait sur le
seuil. Il tenait un chapeau de feutre aplati sous le bras tout en peignant en
arrière ses longs cheveux noirs tout humides. Comme les autres il portait un
pantalon bleu et une veste courte en toile. Quand il eut fini de se coiffer, il
entra dans la chambre qu'il traversa avec une majesté que seuls connaissent les
personnes royales et les maîtres artistes. Il était roulier et le roi du ranch,
capable de mener dix, seize et même vingt mules avec une seule guide aux mules
de tête. D'un coup de fouet, il pouvait tuer une mouche sur la croupe d'une
mule sans toucher la bête. Il y avait dans ses manières une gravité et un calme
si profonds que les conversations s'arrêtaient dès qu'il parlait. Son autorité
était si grande qu'on le croyait sur parole quel que fût le sujet, politique ou
amour. C'était Slim, le roulier. Son visage en lame de couteau n'avait pas
d'âge. Il aurait pu avoir trente ans aussi bien que cinquante. Ses oreilles
entendaient plus qu'on ne lui disait, et sa parole lente avait des nuances, non
de pensée, mais de compréhension au-delà des pensées. Ses mains, grandes et
minces, se mouvaient aussi délicatement que des mains de danseuse sacrée.
    Il défroissa son chapeau écrasé, lui fit
une fente au milieu et se le mit sur la tête. Il jeta sur les deux hommes dans
la chambre un regard bienveillant.
    — Y a un soleil de tous les diables,
dehors, dit-il gentiment. J’peux à peine voir ici. C'est vous les
nouveaux ?
    — On vient d'arriver, dit George.
    — Vous allez travailler à
l'orge ?
    — C'est ce qu'a dit le patron.
    Slim s'assit sur une caisse, de l'autre
côté de la table, en face de George. Il examina la réussite étalée à l'envers
devant lui.
    — J'espère que vous serez avec moi,
dit-il.
    Sa voix était très douce.
    — J'ai deux couillons dans mon équipe
qui n'sont même pas foutus de reconnaître un sac d'orge. Vous autres, vous en
avez déjà manié, de l'orge ?
    — Foutre oui, dit George. Moi, j'ai pas
de quoi me vanter, mais ce grand bougre-là, il peut porter plus de grain que
deux gars ordinaires.
    Lennie, qui avait suivi la conversation
des yeux, sourit complaisamment à cet éloge. Slim, d'un

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