Des souris et des hommes
vers son lit, tira son sac qui se trouvait dessous, et en sortit un
pistolet Luger.
— Finissons-en,
dit-il. On ne pourra pas dormir avec cette puanteur autour de nous.
Il fourra
le pistolet dans sa poche de derrière.
Candy
regarda longuement Slim dans l'espoir qu'il soulèverait quelque objection. Et
Slim n'en fit aucune. Candy, découragé, finit par dire, doucement :
— Alors,
c'est bon... Emmène-le.
Il
n'abaissa même pas ses regards vers le chien. Il s'étendit sur son lit, croisa
les bras derrière la tête et contempla le plafond.
Carlson
sortit une petite courroie de sa poche. Il se pencha et la passa autour du cou
du chien. Tous les hommes, sauf Candy, le regardaient.
— Viens,
viens, mon vieux, dit-il doucement.
Et, en
manière d'excuse, il dit à Candy :
— Il
ne le sentira même pas.
Candy
resta immobile et ne répondit rien. Il tordit la courroie.
— Allons,
viens.
Le vieux
chien se leva avec effort et suivit, d'un pas raide, la laisse qui le tirait
doucement.
Slim dit :
— Carlson.
— Oui ?
— Tu
sais ce que t’as à faire.
— Que
veux-tu dire, Slim ?
— Prends
une bêche, dit Slim brièvement.
— Oh !
bien sûr, j’comprends.
Il fit
sortir le chien dans l'obscurité.
George les
suivit jusqu'à la porte qu'il ferma, et, doucement, il mit le loquet en place.
Candy, tout raide sur son lit, contemplait le plafond.
Slim dit à
haute voix :
— Une
de mes mules de flèche a un sabot malade. Faudra que j'y mette du goudron.
Sa voix
traîna et s'évanouit. Le silence régnait au-dehors. Les pas de Carlson
s'effacèrent. Le silence emplit la chambre et le silence se prolongea.
George
ricana :
— J’parie
que Lennie est là-bas, dans l'écurie, avec son petit chien. Maintenant qu'il a
un chiot, il n' va plus vouloir venir ici.
Slim dit :
— Candy,
tu peux avoir tous les petits chiens que tu voudras.
Candy ne
répondit pas. Le silence retomba dans la chambre. Il venait de la nuit et il
envahissait la chambre. George dit :
— Y
a-t-il quelqu'un qui voudrait jouer à l'euchre [9] ?
— J'ferai
bien quelques parties avec toi, dit Whit.
Ils
s'assirent l'un en face de l'autre, à la table, sous la lampe, mais George ne
battit pas les cartes. Il feuilletait les bords du paquet, nerveusement, et le
petit claquement attira les regards de tous les hommes dans la chambre et le
fît cesser. Le silence retomba dans la chambre. Une minute s'écoula, puis une
autre minute. Candy, étendu, immobile, contemplait le plafond, Slim le regarda
un moment, puis examina ses mains. Il couvrit l'une avec l'autre et la maintint
immobile. Ensuite, on entendit un grignotement sous la porte, et tous les hommes
baissèrent les yeux avec reconnaissance. Seul, Candy contemplait toujours le
plafond.
— On
dirait qu'il y a un rat, là-dessous, dit George. Faudrait mettre un piège.
Whit
éclata :
— Nom
de Dieu, pourquoi donc qu'il lui faut si longtemps ? Pourquoi que tu n' donnes
pas les cartes ? C'est pas comme ça que nous jouerons à l'euchre.
George mit
les cartes en paquet serré et en contempla le dos. Le silence, de nouveau,
avait envahi la chambre.
Une
détonation retentit dans le lointain. Les hommes regardèrent rapidement le
vieux. Toutes les têtes se tournèrent vers lui.
Pendant un
moment, il resta à contempler le plafond. Puis il se tourna lentement sur le
côté, face au mur, et resta silencieux.
George
battit les cartes bruyamment et donna. Whit tira à lui une planche à marquer et
disposa les fiches. Whit dit :
— J’suppose
que vous venez réellement pour travailler, tous les deux ?
— Qu'est-ce
que tu veux dire ? demanda George.
Whit se
mit à rire.
— Ben,
vous vous amenez un vendredi. Vous avez deux jours à travailler avant dimanche.
— J’vois
pas comment tu calcules, dit George.
Whit se
remit à rire.
— Tu
le verrais si t’avais longtemps vécu dans ces grands ranches. Un type qui veut
se rendre compte d'un ranch s'amène le samedi après-midi. Il reçoit son souper
du samedi, et trois repas le dimanche, et il peut foutre le camp le lundi après
le premier déjeuner, sans avoir remué la main. Mais, vous, vous arrivez
travailler le vendredi à midi. Faudra donc que vous travailliez un jour et demi
quelle que soit vot'façon de calculer.
George le
regarda bien en face.
— Nous
allons rester quelque temps, dit-il. Moi et Lennie, on veut se faire un peu
d'argent.
La porte
s'ouvrit doucement et le
Weitere Kostenlose Bücher