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Dieu et nous seuls pouvons

Dieu et nous seuls pouvons

Titel: Dieu et nous seuls pouvons Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Folco
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farine.
     
    *
     
    Si l’affaire de la chatte crucifiée
sur la porte eut un grand succès, la boulangerie-pâtisserie Trouvé, elle,
connut une baisse passagère de fréquentation et personne n’aurait vraiment été
surpris si son pain avait subitement dégagé une forte odeur de soufre.
    L’été fut sec.
    Les vendanges s’achevaient quand
Saturnin fit sa réapparition à l’école. Il s’inscrivit à l’examen de rattrapage
et obtint la deuxième meilleure note. Le directeur le complimenta et lui remit
son certificat. Hippolyte se montra moins expansif. Tout en le félicitant, il
lui rappela que seule la place de premier était la bonne.
    — Le deuxième, c’est le premier
des derniers.
     

Chapitre VI
     
    En dépit des efforts, des pressions,
des pots-de-vin, l’oustal Pibrac ne fut pas inscrit dans l’Inventaire général
des richesses de l’art de la France. Hippolyte fit les cent pas, une main dans
le dos, l’autre tortillant les pointes de sa barbe noire. Saturnin le vit se
plonger dans plusieurs livres de droit et les consulter jusqu’à l’heure du
dîner, dîner qu’il effleura d’une fourchette distraite.
    — Nous allons les mettre devant
le fait accompli, finit-il par dire d’une voix douce. Je viens de vérifier,
aucune loi ne nous interdit de transformer l’oustal en musée. En musée privé et
payant.
    Il rit pour la première fois de la
journée.
    Casimir débarrassa la table,
Saturnin l’aida, Hippolyte poursuivit son idée.
    — L’important sera de faire
connaître notre existence aux touristes qui visitent le château ou l’église
Saint-Laurent. Il faut qu’ils sachent où nous trouver… Ah, si le bois Vergogne
n’était pas là, on nous verrait de la ville comme avant. On pourrait alors
mettre une grande pancarte aux couleurs voyantes… Ah, ah, ah, je parie qu’ils
en deviendraient tous vert colique.
    Ils rirent.
    — Nous imprimerons un catalogue
et des billets. Et nous ferons de la réclame dans le Guide Michelin et
dans le Baedeker. Casimir ouvrira la porte, Saturnin vendra les billets,
je ferai le guide.
    Ils rirent de nouveau. Les chiens
remuèrent leur queue à l’unisson.
    — On pourrait aussi faire faire
des cartes postales de l’oustal, proposa le garçon.
    — C’est une bonne idée.
    Casimir émit une réticence.
    — C’est peut-être investir
beaucoup pour un début. Il ne vient pas cent touristes par an à Bellerocaille.
    — Je sais, mais nous faisons un
musée pour protéger l’oustal, pas pour nous enrichir. Pour qu’il nous survive,
il faut qu’il devienne d ’intérêt général. Après tout, son histoire,
comme la nôtre, se confond avec celle de la justice. Notre musée illustrera
magistralement la facette la plus occultée du système.
     
    *
     
    Après le triste épisode de Princesse
poignardée, Léon ne remit plus les pieds à l’oustal et cessa de lui fournir ses
tourtos, rompant ainsi leur dernier lien.
    Plus tard, lorsque Parfait raconta
que Saturnin avait brillamment réussi son examen de rattrapage, il s’en réjouit
secrètement. Parfait, lui, l’avait raté. Parfois, il s’avouait à contrecœur que
le gosse lui manquait. La stupidité crasse de son nouveau mitron devait y être
pour quelque chose. Même dépourvu d’enthousiasme pour le métier, Saturnin
s’était montré habile, méthodique, consciencieux. Le refus de l’Inventaire d’inclure l’oustal dans son catalogue fut une grande satisfaction. Léon crut
même avoir gagné la guerre : il ne restait plus qu’à attendre la mort du
vieux et pfuit, adieu, l’oustal.
    Sa satisfaction fut, hélas pour ses
nerfs, de courte durée. Un jour qu’il se rendait au moulin, il fit le détour
par la croisée du Jugement-Dernier et vit avec inquiétude des échafaudages
contre les tours et des ouvriers en train de restaurer les créneaux. D’autres
grattaient la misère des moellons du mur d’enceinte. D’autres encore, perchés
sur des échelles, raclaient la peinture des pertuisanes en sifflant un air
entraînant.
    L’hiver 1906 fut clément et se
déroula sans incident notable. Ce ne fut qu’au printemps, lorsque resurgirent
les fleurs dans les champs et les bourgeons sur les joues des adolescents que
l’on remarqua que le bois Vergogne ne participait pas au miracle annuel. Rien
n’y verdissait et – horreur – l’oustal refusait effrontément de s’effacer à la
vue. On s’alarma, on se rendit sur place et, malédiction, on

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