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Dieu et nous seuls pouvons

Dieu et nous seuls pouvons

Titel: Dieu et nous seuls pouvons Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Folco
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formes, la voir se dorer dans le four qui m’ont plu. Je ne saurais
vous dire pourquoi.
    — Qui est Casimir ?
    — Le valet d’échafaud de mon
père. Il est né à l’oustal. Il vit dans la tour sud, réservée depuis toujours
aux valets et à leur famille. C’est le Premier qui l’a fait construire à
l’époque où ils étaient huit. Ils portaient des livrées aux couleurs de la
famille et ils étaient armés.
    — Le Premier ?
    — On l’appelle aussi l’ancêtre
fondateur, puisqu’il est le premier Justinien de la lignée… Le plus drôle,
c’est qu’au départ il ne voulait pas être exécuteur. On l’y a forcé. Et
savez-vous qui l’y a forcé ? L’ancêtre du maire actuel de Bellerocaille,
le ci-devant baron Raoul Boutefeux. Aujourd’hui, son descendant est un
« rouge » qui se vante d’avoir le buste de Robespierre dans son
salon !
    — Quelle était la condition de
votre ancêtre avant qu’il ne devienne bourreau ?
    — Oh, c’est une histoire qu’il
a racontée dans le premier volume de ses Mémoires. Il était écrivain public.
    — Que faisaient ses
parents ?
    Léon prit son temps pour répondre.
Malzac avala d’autres gimblettes, et tant pis pour sa ligne qui s’empâtait ces
derniers temps.
    — Nous ne savons rien sur eux,
finit par dire Léon, l’air songeur. Une partie des archives seigneuriales et
communales ont été détruites pendant la Révolution. Il n’est même pas sûr que
nous soyons originaires de Bellerocaille. D’ailleurs Pibrac n’est pas un nom du
Rouergue, mais plutôt de Haute-Garonne.
    — Votre ancêtre fondateur
n’explique rien dans ses Mémoires ?
    — Je l’ignore.
    — Vous ne les avez donc jamais
lus ?
    — Non, mais même si je l’avais
voulu, je n’aurais pas pu. J’étais trop jeune. Seul le chef de famille peut
ouvrir l’armoire aux Mémoires. Et quand j’ai eu l’âge, j’avais quitté l’oustal
et j’étais déjà mitron ici.
    — Connaissez-vous les raisons
de cet interdit ?
    — Non… Peut-être que certains
passages ne sont pas convenables pour un enfant. D’après ceux que nous lisait
notre père, le Premier apparaît comme un sacré gaillard qui ne mâchait pas ses
expressions.
    L’avocat croqua une gimblette :
elles étaient si bonnes chaudes qu’il eût été dommage de les laisser tiédir.
Léon plissa son front et agita son index dans l’air comme quelqu’un qui se
souvient.
    — Pour en revenir aux ancêtres
du Premier, le seul indice existant est le nom Jules Pibrac gravé sur le
manche du couteau dont je vous ai parlé tout à l’heure, celui que j’ai fait
tomber dans le puits.
    — Je vous comprends mal.
    — Il n’existe aucun Jules sur
notre arbre généalogique. Or, d’après la tradition, ce couteau
appartenait au Premier. Quand j’ai posé la question à mon père, il m’a répondu
qu’il m’expliquerait ce détail quand j’aurais l’âge de le comprendre.
    Malzac sortit un calepin de son
portefeuille et inscrivit de courtes notes ponctuées de points d’interrogation.
Il adorait les mystères et il y en avait un dans cette famille.
    — Je dois rencontrer votre
père.
    — Vous n’y songez pas ! Il
ne voudra jamais vous recevoir.
    — Je pourrais me faire passer
pour un journaliste.
    — Surtout pas, il déteste la
presse.
    — Je dois pourtant le
rencontrer. J’inventerai un prétexte quelconque.
    Léon s’alarma.
    — Sauf votre respect, maître
Malzac, si vous n’y renoncez pas, je vous enjoins de trouver un prétexte qui ne
soit pas quelconque. Et si mon père est méfiant, attendez de rencontrer
Casimir.
     
    *
     
    Revenu à Albi, Nicolas Malzac
écrivit à Hippolyte pour solliciter un entretien. Il se présenta comme un
juriste passionné d’histoire en quête de matière première pour un ouvrage visant
à rétablir « la vérité historique trop souvent bafouée lorsqu’il s’agit
des hautes œuvres ».
    La réponse d’Hippolyte fut prompte
et commençait par : « Enfin, l’Histoire daigne s’intéresser à nous.
Elle aura pris son temps. » Plusieurs détails étonnèrent l’avocat. D’abord
le papier : du vrai vélin en fine peau de veau mort-né, puis le blason
vairé d’argent et de gueule incrusté dans l’en-tête de la lettre et sur
l’enveloppe. Divisé en croix engrêlée, le canton dextre contenait la
représentation d’un manoir à deux tours. Sur un fond de fourches patibulaires,
on lisait dans la senestre : Dieu et

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