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Dissolution

Dissolution

Titel: Dissolution Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christopher John Sansom
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la main sur le kyste qu’il avait au visage. « Mon frère Luke, venez
ici ! »
    Mark et moi échangeâmes un regard en voyant approcher un
grand moine roux de moins de trente ans, puissamment bâti, les traits lourds, la
mine revêche.
    « Oui, mon frère ?
    — Luke, depuis que vous travaillez avec moi vous avez
perdu deux trousseaux de clefs, n’est-ce pas ?
    — Ça glisse de la poche, fit-il d’un ton maussade.
    — Oui, si on est négligent, acquiesçai-je. Quand avez-vous
perdu une clef pour la dernière fois ?
    — Cet été.
    — Et la fois précédente ? Il y a combien de temps
que vous travaillez dans la blanchisserie ?
    — Ça fait quatre ans, monsieur. L’autre fois, c’était il
y a deux ans.
    — Merci, frère Hugh. Je souhaite m’entretenir avec le
frère Luke en privé. Où pouvons-nous aller ? »
    Le frère Luke roulait des yeux anxieux tandis que l’intendant,
l’air désappointé, nous conduisait dans une remise où séchait du linge. Je
regardai le jeune moine droit dans les yeux.
    « Vous êtes au courant de ce qu’on a trouvé dans l’étang
à poissons ?
    — Un cadavre, paraît-il, monsieur.
    — Un corps de femme, celui d’une jeune fille prénommée
Orpheline, croyons-nous. Il paraît que vous l’importuniez. »
    Il écarquilla les yeux de terreur et il tomba à genoux d’un
seul coup, ses doigts rouges et épais agrippant l’ourlet de ma robe.
    « Ce n’est pas moi, monsieur ! J’ai folâtré avec
elle, rien de plus ! Et je n’étais pas le seul ! C’était une délurée
et elle m’a tentée !
    — Lâchez-moi ! Regardez-moi en face ! »
    Il me regarda sans se relever, les yeux exorbités. Je me
penchai vers lui.
    « J’exige la vérité. Votre vie en dépend ! Vous
avait-elle tenté ou était-ce vous qui la harceliez ?
    — C’était… c’était une femme, monsieur. C’était une
tentation rien que de la voir ! Je ne pensais qu’à elle, j’étais obsédé
par elle. Satan l’avait mise sur mon chemin pour me tenter, mais je me suis
confessé. J’ai tout avoué !
    — Peu me chaut votre confession. Vous avez continué à la
harceler même après la mise en garde de l’abbé, n’est-ce pas ? Le frère
Guy a dû se plaindre une seconde fois !
    — Mais je n’ai plus rien fait après ça ! L’abbé m’a
menacé de me mettre à la porte ! Sangdieu ! je l’ai laissée
tranquille après ça. Par le sang sacré de Jésus !
    — L’abbé n’a pas chargé le prieur de l’affaire ?
    — Non. Le prieur…
    — Eh bien ? Eh bien, quoi, mon garçon ?
    — Il… était coupable de la même chose, et l’économe
aussi.
    — Bon. Y en avait-il d’autres ? Qui a rendu la vie
insupportable à cette fille vers la fin ?
    — Je n’en sais rien, monsieur. Je le jure, je le jure… Je
ne me suis plus approché de l’infirmerie après l’avertissement de l’abbé. Par
la Sainte Vierge…
    — La Sainte Vierge ! m’exclamai-je. Si elle
revenait sur terre je doute qu’Elle serait en sécurité près de vous et de vos
pareils. Partez ! Fichez le camp ! »
    Je le foudroyai du regard tandis qu’il se relevait prestement
et regagnait la blanchisserie en toute hâte.
    « Vous lui avez fait une sacrée peur, dit Mark, un
sourire narquois sur les lèvres. C’est facile avec des poltrons comme lui. Le
prieur et l’économe, hein ? Tenez, il y a là une porte par laquelle on
peut sortir en évitant les chiens. »
    Nous sortîmes dans la cour. Je repensai à la confrontation
avec les chiens. Je me sentais vidé, et ce fut mon tour de m’appuyer quelques
instants contre le mur. Un bruit confus de voix me fit me retourner.
    « Mordieu ! qu’est-ce que c’est encore ? »
    Plusieurs personnes s’étaient arrêtées pour assister à une
procession se dirigeant vers le portail. Deux moines, les mains jointes et la
mine pieuse, portaient une statue de saint Donatien vêtu de sa toge romaine. Suivait
la mince et haute silhouette du frère Jude, le pitancier, chargé d’une sacoche
de cuir. Fermant la marche, l’économe Edwig en personne, un manteau d’hiver
par-dessus sa soutane et des gants aux mains. Ils approchèrent de l’espace
situé sous le corps de garde, où se tenait Bugge, prêt à ouvrir le portail.
    « C’est le jour de la
distribution des aumônes », dit Mark.
    **
    Lorsque nous atteignîmes le portail, Bugge l’avait déjà
ouvert. Dehors une foule regardait la statue que les deux moines

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