Dissolution
lit.
« Quand vous êtes parti, j’ai parlé au prieur Mortimus
de l’assèchement de l’étang. Ils sont en train de le vider.
— Oui. Je l’ai vu.
— Je suis revenu ici pour mettre mes protège-chaussures.
C’est alors qu’une fois de plus j’ai entendu des bruits. » Il me lança un
regard de défi. « Je savais bien que je ne me trompais pas.
— Si tu avais l’esprit aussi fin que l’ouïe tu ne te
serais pas enfermé de la sorte. Continue…
— Ça semblait toujours venir du placard. J’ai décidé de
le déplacer pour voir ce qu’il y avait derrière et j’ai trouvé cette porte. Je
suis passé de l’autre côté avec une bougie. Il y a un couloir et j’avais l’intention
de découvrir où il menait. J’ai tiré la porte au cas où quelqu’un viendrait, mais
au moment où je la refermais le courant d’air a éteint la flamme et je me suis
retrouvé dans le noir. J’ai poussé la porte de l’épaule mais elle n’a pas bougé. »
Il rougit. « Ça m’a fichu la frousse. Je n’avais pas mon épée. Mais, la
bougie éteinte, j’ai pu apercevoir un point lumineux… Quelqu’un a percé un
orifice dans le panneau. » Il indiqua un trou minuscule dans la cloison.
« Je me suis mis sur la pointe des pieds pour l’inspecter. On aurait dit
un trou de clou.
— Tu es resté longtemps enfermé ?
— Non. Grâce à Dieu, vous êtes entré quelques minutes plus
tard. Vous êtes allé dans les marais ?
— Oui. Des contrebandiers sont passés par là… On a
découvert les traces d’un feu. J’ai eu un entretien avec Alice, on en parlera
plus tard. » J’allumai deux bougies et lui en donnai une. « Bon. On
réexplore ce couloir ? »
Il prit une profonde inspiration.
« D’accord… »
Je verrouillai notre chambre pour empêcher que quelqu’un y
pénètre, puis nous nous glissâmes derrière le placard et ouvrîmes la porte. Devant
nous se trouvait un étroit couloir sombre.
« Le frère Guy a dit qu’il existe un passage entre l’infirmerie
et la cuisine, expliquai-je, me souvenant soudain de cette indication. Il a été
fermé pendant la Grande Peste.
— Mais ce couloir a été emprunté bien plus récemment.
— Oui. » J’aperçus le point lumineux dont Mark
avait parlé. « Par ce trou on voit très bien la chambre. Apparemment, il n’y
a guère longtemps qu’il a été percé.
— C’est le frère Guy qui a choisi la chambre pour nous.
— Oui. Celle où on pouvait nous espionner, entendre
notre conversation à notre insu. » J’inspectai la porte. Elle était munie
de cette sorte de loquet qu’on ne peut actionner que d’un côté. « Cette
fois, prenons nos précautions. » La repoussant presque complètement, je
coinçai mon mouchoir dans la fente pour l’empêcher de se refermer sur nous.
Nous longeâmes l’étroit corridor qui suivait le mur de l’infirmerie.
L’une des deux parois était constituée des panneaux en bois des diverses pièces
de l’infirmerie, l’autre des pierres du cloître. Des morceaux de candélabres
rouillés restaient accrochés aux murs humides. À l’évidence, cela faisait
longtemps que ce passage n’était pas utilisé, car il empestait le moisi et de
bizarres champignons bulbeux poussaient dans les coins. Le corridor tourna
bientôt à droite avant de déboucher dans une pièce où nous pénétrâmes, promenant
notre lumière à l’entour.
Nous nous trouvions dans une cellule de prison, carrée, sans
fenêtre. D’anciens fers étaient fixés aux murs et dans un coin un amas de toile
et de bois vermoulu était tout ce qui restait d’un lit. Je fis courir ma
lumière le long des murs. Des mots étaient griffonnés sur toute la pierre. Je
déchiffrai une série de lettres profondément gravées. Frater Petrus
tristissimus. Anno 1339. « Frère Pierre, le plus triste. » Je me
demandai ce qu’il avait fait.
« Il y a une sortie par là », dit Mark en se
dirigeant vers une lourde porte de bois. Je me penchai pour regarder par le
trou de la serrure. On ne voyait aucune lumière de l’autre côté. Je collai mon
oreille à la porte, mais je n’entendis rien.
Je tournai lentement la poignée. La porte s’ouvrit doucement
vers l’intérieur et je vis que les gonds avaient été graissés. Nous nous
retrouvâmes derrière un autre placard qui avait été écarté juste assez pour qu’un
homme puisse se couler dans l’espace ainsi dégagé. Nous passâmes dans un
corridor au sol
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