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Dissolution

Dissolution

Titel: Dissolution Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christopher John Sansom
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étroite
passerelle menant à une autre porte. Par une fenêtre sans vitre on jouissait d’une
vue vertigineuse sur le monastère et, au-delà de l’enceinte, sur les champs et
la forêt blancs de neige, d’un côté, et sur la mer grise, de l’autre. Ce devait
être le point le plus haut à vingt milles à la ronde. Un vent glacial gémissait,
lugubre, ébouriffant nos cheveux.
    « C’est par ici. » Le prieur me fit franchir la
porte d’un local nu où les grosses cordes des cloches pendaient jusqu’au
plancher. Au-dessus de ma tête, j’apercevais dans la pénombre le contour des
impressionnants bourdons. Au centre du local, il y avait une large ouverture
circulaire entourée d’un garde-fou. Me penchant au-dessus de celui-ci, je
découvris une autre vue du rez-de-chaussée de l’église. Depuis notre position
élevée, les hommes en bas avaient l’air de fourmis. J’apercevais la nacelle
suspendue vingt pieds plus bas, les formes des outils et des seaux qu’elle
contenait se dessinant sous la grande bâche. Les cordes passaient par l’ouverture
et étaient accrochées dans le local à d’énormes rivets fixés dans le mur.
    « Sans ce trou, le vacarme des cloches rendrait sourds
les sonneurs, déclara le prieur. Ils doivent déjà se boucher les oreilles avec
des tampons.
    — Ça ne m’étonne pas, ça rend presque sourd de les
entendre d’en bas. » Je remarquai des degrés de bois. « Est-ce lue
ces marches mènent au clocher proprement dit ?
    — Oui, les serviteurs montent par là pour nettoyer et
entretenir les cloches.
    — Montons ! Après vous… »
    Les marches conduisaient à un autre local où une grille
entourait les cloches. Celles-ci étaient en effet gigantesques, chacune plus
volumineuse qu’un homme. Elles étaient attachées au toit par d’énormes anneaux.
Rien n’était caché ici non plus. J’avançai vers les cloches, prenant bien soin
de ne pas m’approcher du bord car le garde-fou était bas. La cloche la plus
proche était recouverte d’ornements complexes. Sur une plaque fixée dessus on
lisait une formule rédigée en un langage étrange.
    « Arrancada de la barriga del infiel, ano 1059  »,
lus-je à voix haute.
    « Arrachée au ventre de l’infidèle », traduisit le
prieur Mortimus. Je sursautai, ne m’étant pas aperçu qu’il était aussi près.
« Monsieur le commissaire, fit-il, j’aimerais vous demander quelque chose.
Vous avez vu l’abbé tout à l’heure ?
    — Oui…
    — C’est un homme brisé. Il est désormais incapable d’assurer
ses fonctions. Quand il faudra le remplacer, lord Cromwell aura besoin d’un
homme à poigne et qui lui soit loyal. Je sais que dans les monastères il a
promu ceux qui le soutiennent. » Il me lança un regard significatif.
    Je secouai la tête, fort surpris.
    « Prieur Mortimus, pensez-vous réellement qu’on va
autoriser cette maison à perdurer ? Après ce qui s’est passé ici ? »
    Il eut l’air stupéfait.
    « Mais bien sûr… Notre vie ici… Elle ne peut pas
vraiment cesser. Il n’existe aucune loi qui nous force à nous soumettre. Je
sais que d’aucuns affirment que les monastères vont disparaître, mais, assurément,
on ne peut l’autoriser… C’est impossible. » Il fit un pas de plus vers moi,
me poussant contre la rambarde, son odeur rance et fétide assaillait mes
narines. Mon cœur se mit à cogner comme un fou.
    « Prieur Mortimus, écartez-vous, je vous prie ! »
    Il prit un air étonné, puis se recula.
    « Monsieur le commissaire, déclara-t-il avec force, je
pourrais sauver cette maison.
    — L’avenir de ce monastère, je dois en discuter
seulement avec lord Cromwell. » J’avais la bouche sèche, car l’espace d’un
terrible instant, j’avais cru qu’il s’apprêtait à me pousser dans l’abîme.
« J’ai vu tout ce que j’avais besoin de voir. Il n’y a rien de caché ici. Il
est temps de redescendre ! »
    Nous redescendîmes en silence. Je n’avais jamais été aussi
soulagé de retrouver la terre ferme.
    « Vous partez tout de suite ? demanda-t-il.
    — Oui. Mais pendant mon absence Mark Poer détient mon
autorité.
    — Quand vous parlerez à lord Cromwell, je vous en prie, lui
signalerez-vous ce que j’ai dit ? Je pourrais être son loyal serviteur.
    — J’ai beaucoup de choses à lui dire, répliquai-je
sèchement. Et, maintenant, il me faut partir. »
    Je m’éloignai à grands pas en direction de l’infirmerie.

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