Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Dissolution

Dissolution

Titel: Dissolution Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christopher John Sansom
Vom Netzwerk:
la
manifestation du souvenir. Mais il est sûrement plus réconfortant de savoir que
ses parents se trouvent, selon la volonté divine, soit au ciel soit en enfer, plutôt
que de croire qu’ils sont au purgatoire, lieu de tourments et de souffrances où
ils doivent demeurer parfois pendant des siècles.
    Les membres gourds, nous mîmes pied à terre devant l’auberge
et attachâmes nos montures à la grille. Le bâtiment à colombage, aux murs de
torchis dont le plâtre s’effritait par endroits, ressemblait aux autres mais en
plus grand. Le haut toit de chaume descendait jusqu’aux fenêtres du premier
étage.
    À l’intérieur, un feu flambait dans une cheminée circulaire
placée, à l’ancienne mode, au milieu de la salle, si bien que la fumée
envahissait autant la pièce qu’elle s’échappait par la hotte ronde au-dessus de
l’âtre. Dans la pénombre, quelques vieillards barbus levèrent les yeux de leur
partie de dés pour nous fixer avec curiosité. Un gros homme en tablier s’approcha
de nous, son regard inquisiteur jaugeant nos fourrures coûteuses. Je demandai
une chambre et le repas, ce qu’il nous proposa pour la somme de six pence. M’efforçant
de comprendre son fort accent guttural, je réussis à lui faire accepter
seulement quatre pence. Après qu’il m’eut confirmé la route de Scarnsea, je
commandai une bière et m’installai près du feu, tandis que Mark sortait pour
surveiller la façon dont on rentrait les chevaux à l’écurie.
    Je fus content de le voir revenir, en ayant assez d’être
dévisagé par la bande de vieillards. Je leur avais fait un signe de tête mais
ils avaient détourné les yeux.
    « Ils ont un regard dur, chuchota Mark.
    — Ils ne doivent pas voir beaucoup de voyageurs. Et ils
croient sans doute que les bossus portent malheur. Oh ! je sais bien que c’est
ce qu’imaginent la plupart des gens. J’ai assez souvent vu des personnes se
signer à mon approche, malgré mes beaux habits. »
    Nous commandâmes à dîner et l’on nous servit un ragoût de
mouton très gras avec de la bière épaisse. La bête, grommela Mark, était morte
depuis longtemps. Pendant que nous dînions, un groupe de villageois firent leur
entrée, vêtus de leurs plus beaux habits, l’office ayant apparemment pris fin. Ils
s’assirent tous à la même table et discutèrent d’une voix morne. Ils jetaient
de temps en temps un coup d’œil dans notre direction, nous gratifiant de
nouveaux regards indiscrets et hostiles.
    Je remarquai trois hommes assis dans un coin éloigné et qui
paraissaient, eux aussi, être tenus à l’écart par les villageois. D’aspect
grossier, la barbe hirsute, dépenaillés, ils nous observaient, non pas franchement
comme les villageois, mais furtivement, le regard en coin.
    « Vous voyez ce grand type ? chuchota Mark. Je
jurerais qu’il porte les guenilles d’un froc de moine. »
    Le plus corpulent des trois, un géant hideux au nez cassé, était
vêtu d’un habit de grosse laine noire et j’aperçus en effet derrière son dos un
capuchon de bénédictin. L’hôte, qui avait été le seul à nous traiter poliment, vint
remplir nos verres.
    « Dites-moi donc, demandai-je à voix basse, qui sont ces
trois-là ?
    — Hum… Des larbins du prieuré dissous l’année dernière. Vous
savez ce que c’est, monsieur. Le roi ordonne la disparition des petits
établissements, alors on place les moines ailleurs, mais les serviteurs se
retrouvent à la rue. Ces gars mendient par ici depuis un an… Il n’y a pas de
travail pour eux. Vous voyez le type tout maigre, il s’est déjà fait couper les
oreilles. Méfiez-vous d’eux ! »
    Je vis, en effet, que l’un d’eux, un grand mince à la
tignasse blonde, n’avait pas d’oreilles, simplement des trous bordés de tissu
cicatriciel. C’était la peine encourue par les faux-monnayeurs. Il avait dû
participer à quelque activité locale consistant à rogner des pièces et à
utiliser l’or pour fabriquer de pâles imitations.
    « Vous leur permettez de venir ici ? »
    Il acquiesça d’un grognement.
    « Ce n’est pas leur faute si on les a mis dehors. Eux et
des centaines d’autres. » Puis, pensant en avoir peut-être trop dit, il
repartit en hâte.
    « Il me semble qu’il est l’heure de se retirer », dis-je
en prenant une bougie sur la table. Mark opina de la tête. Nous finîmes nos
bières et nous dirigeâmes vers l’escalier. Comme nous passions devant

Weitere Kostenlose Bücher