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Dissolution

Dissolution

Titel: Dissolution Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christopher John Sansom
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l’intérieur et se signa. Je
fis un pas en avant, m’agrippant au bord du sarcophage.
    Le corps était enveloppé dans une couverture de laine blanche.
On ne voyait que les mollets et les pieds, d’une blancheur d’albâtre, les
ongles longs et jaunis. À l’autre bout du suaire, un peu de sang aqueux avait
coulé du cou, et une flaque de sang plus sombre apparaissait sous la tête, laquelle
avait été posée d’aplomb, à côté du corps. Je scrutai le visage de Robin
Singleton, dont j’avais jadis soutenu le regard depuis l’autre côté du prétoire.
    Ç’avait été un homme mince d’une trentaine d’années, aux
cheveux noirs et au long nez. Ses joues blanches étaient ombrées de courts
poils noirs. J’eus un haut-le-cœur en voyant sa tête placée sur une pierre
ensanglantée au lieu d’un cou. La bouche était entrouverte, la pointe des dents
visible entre les lèvres. Les yeux bleu foncé étaient, eux, grands ouverts, comme
voilés par la mort. Un minuscule insecte noir sortit d’une paupière, avança sur
le globe oculaire et passa sous l’autre paupière. La gorge serrée, je me
dirigeai vers la petite fenêtre à barreaux pour aspirer une grande goulée d’air
nocturne glacial. Refoulant tant bien que mal une gorgée de bile, je forçai une
autre partie de mon cerveau à donner un sens à ce que j’avais vu. J’entendis
Mark s’approcher.
    « Ça va, monsieur ?
    — Naturellement. » Me retournant, j’aperçus le
frère Guy, les bras croisés, la mine tout à fait sereine, qui me regardait d’un
air pensif. Quant à Mark, il était un peu pâle mais il retraversa la salle pour
contempler à nouveau cette horrible tête.
    « Eh bien ! Mark, à ton avis, comment cet homme
est-il mort ? » lançai-je.
    Il secoua la tête
    « Comme on le savait déjà : on lui a séparé la tête
du tronc.
    — Je n’imaginais pas qu’une fièvre l’avait emporté… Mais
pouvons-nous déduire quelque chose de plus de ce que nous avons sous les yeux ?
Pour commencer, je parierais que son assaillant était au moins de taille
moyenne. »
    Le frère Guy me fixa d’un œil curieux.
    « Comment devinez-vous cela ?
    — Eh bien, d’abord, Singleton était très grand.
    — C’est difficile à déterminer sans la tête, dit Mark.
    — Je l’ai rencontré au tribunal. Je me rappelle que je
souffrais de l’inconvénient d’avoir à me démancher le cou pour le regarder. »
Je me forçai à aller jeter un nouveau coup d’œil à la tête. « Et voyez
comment le cou est tranché selon une ligne nette. Il est posé parfaitement d’aplomb
sur la pierre. Si Singleton et son agresseur étaient debout tous les deux au
moment où il a été attaqué, ce qui semble fort probable, un homme d’une taille
inférieure aurait dû le frapper de bas en haut et le cou n’aurait pas été coupé
horizontalement. »
    Le frère Guy opina du bonnet.
    « C’est vrai… Par la Sainte Vierge Marie, monsieur, vous
avez l’œil d’un médecin.
    — Merci. Malgré tout, je n’aurais aucune envie de passer
mes journées à contempler de tels spectacles. Mais j’ai déjà vu trancher une
tête. Je me rappelle… (je cherchai le mot exact)… la mécanique. » Je
croisai le regard intéressé de l’infirmier, m’enfonçant les ongles dans les
paumes au souvenir d’une scène que je souhaitais ardemment oublier. « Et à
ce propos notez à quel point la coupure est nette et précise : il a suffi
d’un seul coup pour détacher la tête du tronc. Opération malaisée si la victime
est couchée, la tête sur le billot. »
    Mark regarda une fois encore la tête placée sur le côté.
    « Oui. La hache n’est pas un outil facile à manier. On m’a
dit qu’on avait dû s’y reprendre à plusieurs fois pour trancher le cou de
Thomas More. Mais si Singleton était en train de se pencher ? Pour
ramasser quelque chose par terre, par exemple. Ou bien, on l’a peut-être forcé
à se courber. »
    Je réfléchis quelques instants.
    « En effet. Bien vu. Mais, s’il était penché en avant au
moment de sa mort, le corps aurait été courbé quand on l’a trouvé. Le frère Guy
s’en souvient sans doute. » Je l’interrogeai du regard.
    « Il était allongé tout droit, répondit l’infirmier d’un
air pensif. Nous avons tous beaucoup réfléchi à la difficulté de trancher une
tête de cette façon. On ne peut le faire avec un instrument de cuisine, même
avec le plus grand couteau.

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