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Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Titel: Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Abtey
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est un reproche de principe… Et il le fait bien comprendre.
     
    — Eh bien, tout vous sourit ! dit-il. Allez, vous êtes heureux, vous vivez ce qu’il faut vivre à votre âge ! Vous prenez beaucoup de liberté, mais ces libertés sont le sel de la vie. Et Paris a tant à offrir aux audacieux… Cependant, de la mesure, de la mesure ! Je ne veux pas que ces loisirs que vous me volez, et qu’au fond, j’aurais bien du mal à vous interdire, vous fassent oublier vos devoirs. Le premier d’entre eux, c’est de donner le ton demain soir. Je vous rappelle que mon bel oncle nous attend de pied ferme. Quand bien même y serions-nous invités d’honneur, quand bien même votre fameuse présence et votre admirable prestation pourraient lui valoir une part des compliments que vous recevrez, je sais qu’il serait trop heureux de vous voir perdre l’étrier. Ne lui donnons pas ce plaisir. Jouez bien votre personnage. Éblouissez Paris encore une fois, vos victoires ou vos défaites sont les miennes, imaginez que votre mère vous regarde, imaginez la fierté qui serait la sienne si, placée dans le public, elle pouvait tourner sa tête et observer cette salle, buvant vos paroles, ajustant les battements de son cœur sur les vôtres.
    — Ah, Edmond, vous me donnez des idées.
    — Des idées, encore… je les redoute !
    — Ma mère n’est pas si loin, à quelques lieues de Paris seulement, ne pourrions-nous la faire venir, demain ?
    — J’aimerais, j’aimerais. Mais c’est impossible, et bien trop dangereux. Le cardinal nous protège, mais ce manteau de pourpre dont il nous couvre, tout prestigieux qu’il soit, pourrait se laisser traverser par ces coups de lame osant la récidive… Sur ma personne, sur la vôtre, ou sur celles des nôtres. Cette agression d’avant-hier m’a prévenu. Je reste en éveil. Gagnez les honneurs, Hercule, faites-vous un nom, et rapportez tout cela aux bras de votre mère, pour la faire pleurer de joie. Voilà mon conseil.
    — Il est sage, en effet.
    — Je suis votre aîné.
    — Et mon ami.
    — … Et vous le mien, Hercule, dit Edmond, en cachant au mieux cette émotion qui manque de le submerger.
    Pour la contrer, d’ailleurs, il s’écarte.
    — Je vous laisse. Dormez une heure ou deux. Et jusqu’à demain, jusqu’à l’heure des ovations, de grâce, tenez-vous tranquille.
    Plan d’attaque
    Hercule s’apprête à suivre son maître, qui vient nous rejoindre, mais Edmond lui montre du doigt l’étage supérieur. Là où se trouve cette chambre d’asile, qui peut aussi bien offrir un lit pour la nuit qu’un espace de travail pour le comédien révisant son rôle. Le geste est clair, et pour se mieux faire comprendre encore, si besoin était, Edmond ajoute :
    — Je vais m’asseoir près de mes amis, mais vous restez debout en compagnie des vôtres – ces auteurs que vous affectionnez tant –, vous avez toute la journée devant vous pour éplucher vos livres et composer votre récitatif… Ce soir : audition.
    Il faut obéir à son directeur de conscience. Hercule nous salue et remonte donc les marches du grand escalier.
    Du reste, je ne suis pas mécontent que le jeune page s’absente un instant et nous laisse seuls, Amadéor et moi-même, face à Edmond de Villefranche. D’ailleurs, dès qu’Hercule a disparu, j’abats les cartes.
    — Cher ami, nous ne sommes plus deux à servir le cardinal contre ses ennemis, en cette affaire de complot, de complot et de Cabale, nous sommes trois. Et le troisième cavalier, vous l’avez compris, est ici même, assis à ma droite et vous faisant face.
    Edmond de Villefranche reste stupéfait et silencieux.
    Enfin, il finit par ouvrir la bouche :
    — J’avoue ne pas tout comprendre.
    En s’adressant à don Juan de Tolède, tout particulièrement, il poursuit :
    — Pardon, monsieur, je ne veux pas réveiller le passé, la page est tournée, certes, et encore une fois, je vous suis reconnaissant, votre bras de fer m’a sans doute sauvé la vie, mais enfin, quand vous marchiez après moi ce soir-là, l’épée à la main, pour m’acculer au fond d’une impasse, étiez-vous alors parrainé par le cardinal ?
    — Je suis l’ami de Mazarin, pas son esclave, répond l’aventurier. Il mène sa vie, et moi je vends la mienne. Cette réponse vous convient-elle ?
    — Que tout soit clair, monsieur de Villefranche, dis-je, mon compagnon est un agent privilégié de Son Éminence. En vous le présentant comme tel, je vous livre

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