Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi
la revanche. Nous avons le même adversaire et le même appétit de vengeance. Offrons-lui de retrouver à la mort du cardinal sa fortune, son rang et ses terres, ces droits dont Richelieu le déshérita en lui arrachant la vie de son père. Si l’Italienne devait hélas nous faire faux bond ou être démasquée, notre homme interviendrait sans délai. Nous n’aurons qu’à nous charger de tendre un piège à l’Éminence rouge, à le faire passer, lui et sa voiture, dans une rue investie par les tireurs de Lanteaume. Ils les cribleront de plombs, dépêchant notre diable d’homme aux enfers.
— Est-il averti, votre Lanteaume ? demande une nouvelle voix.
— Pas encore. Laissons d’abord un peu d’avance à madame Desdémone. La courtoisie nous l’impose. Mais ne craignez rien, mes amis, mes frères, je ne doute pas que notre brigand rejoigne nos rangs et nous prête son armée d’arquebusiers. Mieux vaut, n’est-ce pas, confier la vile besogne à quelques émissaires, peut-être moins indispensables que nous le sommes.
Je dois patienter quelques instants encore que se vide le château en ruine. Une fois la place déserte, je vais retrouver ma jument. Mais soudain, je m’arrête. Là, dans l’ombre, une silhouette s’échappe… Un autre espion ?
Impossible de le rattraper, l’homme a disparu, emportant son secret. »
Extinction des feux
— Votre Majesté, dit d’Artagnan avec douceur, je crois qu’il est temps pour aujourd’hui de souffler la chandelle. Le jour se lève, il faut dormir.
— Déjà ! C’est que votre histoire me captive, chevalier. Je veux savoir la suite.
— Un épisode s’achève, mais demain, dans quelques heures, un nouveau chapitre s’ouvrira. Laissons les intrigants rejoindre leurs demeures. Laissons-les croire qu’ils peuvent œuvrer en toute impunité. Laissons-les dormir sur leurs deux oreilles. Nous, fermons un œil au moins, et reprenons des forces. Notre esprit veille quand notre corps se repose. Je vous arme contre vos ennemis envous révélant leurs paroles cachées, leurs actions déguisées, leurs véritables natures. Nous avons bien des heures devant nous pour reprendre notre aventure… Une aventure qui ne fait que commencer. D’autres figures vont prochainement rejoindre la scène. Nous ne sommes pas au bout de nos surprises. Je vous l’affirme. Bonne nuit, Sire, dormez en paix.
Le chevalier ne sait comment témoigner sa tendresse et sa sympathie pour ce jeune roi. Il n’ose le prendre dans ses bras ni lui baiser le front. Il se contente donc de l’obliger à s’allonger, en le couvrant de sa cape.
Le jeune Louis XIV demande à revoir sa mère, pour un dernier baiser.
Le chevalier se retire en promettant d’exaucer cette demande bien naturelle de la part d’un enfant.
L’enfant roi ne tremble plus. S’il verse une larme, ce n’est plus par tristesse, cela sort de ses yeux malgré lui, comme une libération. Il respire profondément. L’odeur du chevalier est sur cette cape qui le recouvre. Cette odeur est chaude, elle l’enveloppe et le réconforte.
Peu de temps après, la reine vient déposer son baiser.
Son fils lui sourit . Il a changé de visage , se dit la reine avec joie.
— L’histoire vous a plu ? demande-t-elle.
— Nous n’en sommes qu’au début. J’en saurai bientôt davantage.
— Monsieur d’Artagnan est-il donc un brillant conteur ?
Le roi hésite un temps avant de répondre. Puis, plein de fierté retrouvée, le jeune monarque s’exclame avec chaleur :
— Mieux, ma mère, c’est un mousquetaire du roi !
D’Artagnan face à lui-même
D’Artagnan est revenu tendre ses mains au foyer de la cheminée.
Les premiers rayons du jour font scintiller les carreaux des fenêtres. Ils colorent la pierre, faute d’apporter un semblant de chaleur. La grande affaire du moment reste d’ordre domestique : il faut trouver du bois à brûler, combattre les rigueurs de l’hiver jusqu’à l’arrivée des premiers réconforts.
Le chevalier reprend sa pipe et son tabac.
Profitant que le cardinal est occupé ailleurs, il demeure pensif. Notre mousquetaire mis à pied songe à deux choses : au passé età l’avenir. Comme monsieur d’Artagnan se flatte en ces temps de rébellion de marcher à contre-courant, c’est tout naturellement qu’il regarde au loin avant de revenir sur ses pas.
Les événements dramatiques de la nuit font dès ce soir l’éducation du jeune roi.
Cela peut amener le meilleur
Weitere Kostenlose Bücher