Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

d’hommes armés.
    Plus question de jouer la comédie, au diable les génuflexions et les signes de croix.
    Allons, de la bonne volonté, mesdames, dit Edwige, nous savons que le couvent abrite une rebelle. Livrez-la-nous et aucun mal ne vous sera fait . Mais on garda bouche close, on ne souffla mot. S’impatientant, Edwige entraîna la mère prieure, et la confia à deux hommes pour qu’elle soit questionnée, à l’écart.
    Elle refusa de parler, ne cédant à rien : ni au chantage, ni à la colère.
    En voyant que l’on allait passer de la douceur à cette manière forte que semble affectionner la Cabale, une des sœurs sortit du rang, espérant épargner les supplices à sa supérieure. Elle désigna la chambre où se trouvait enfermée à double tour, pour sa sauvegarde, la belle Margaux.
    La mère prieure voulut s’interposer. Edwige, certainement échauffée, lui coupa la route d’un coup de stylet. Imprévu. La frondeuse fut libérée de sa cellule pour monter en voiture, vers une nouvelle destination, vers une autre prison.
    La Cabale ne souhaitant pas que la nouvelle de cet enlèvement ne s’ébruite avant la mort du cardinal, car alors plus rien n’aurait d’importance, elle disposa ses hommes, ferma les portes et garda les murs. Lanteaume échoua, le plan C était lancé. Retour aux décisions originelles. Que Desdémone choisisse entre le premier amour et la chair de sa chair. Un délai de deux jours lui était accordé. La garde devait donc tenir son poste jusqu’à l’expiration de ce délai.
     
    Mais nous arrivâmes.
    Maintenant, il faut savoir où se rendre.
    Comme je le disais, nous avons des prisonniers.
    Quels que soient leurs réticences et leur courage, ces hommes parleront.
    Germain Hackard de La Hache connaît son métier. Il ne fut jamais si content de l’exercer. Les blessés sont conduits dans une crypte. Des fers sont rougis.
    La seule chose, pourtant, que savent ces hommes, c’est un mot de passe. Ce mot de passe est un début de phrase : Salus populi… la suite appartient à la locution … suprema lex esto : Que le salut du peuple soit la suprême loi .

La citadelle
    Retrouver un carrosse en fuite, sans signe distinctif, sans bannière ni drapeau n’est pas une chose des plus aisées. Loin s’en faut. Surtout quand il est déjà loin, surtout quand il est passé deux jours plus tôt.
    Nous avons beau questionner les habitants du voisinage, verser des pièces, creuser nos méninges, nous sommes désemparés. Et letemps presse. Je ne suis pas peu fier de vous dire, Sire, que nous pûmes sortir de cette impasse un peu grâce à moi. Mais pour rendre à César ce qui lui revient, je dois m’empresser d’ajouter : et pour beaucoup grâce au brigand Belles-Manières.
    — Et ce château, dis-je, ce château ou monsieur Fargis m’a questionné, ce château où monsieur Pierre Mathieu m’a faussement torturé…
    — La frondeuse pourrait en effet y être enfermée ! s’exclame don Juan. C’est la meilleure et d’ailleurs la seule piste que nous ayons. Il faut que ce soit la bonne, car nous n’aurons pas le loisir d’en courir une autre. Cher La Mort, pourrez-vous nous y conduire ?
    — Rien de plus facile, dit-il. Suivez le guide !
     
    Nous arrivons au couchant de la journée. Ce château est une bastide et cette bastide une citadelle, imposante et massive comme une vieille tour de guet. Le guet d’ailleurs parcourt le chemin de ronde, le long des créneaux, aux bords rougis par les derniers traits du soleil. Là-haut, le ciel vire au noir. Les nuages arrivent par bataillons, rassemblent leurs forces, serrent les rangs. Après une journée anormalement étouffante, l’orage s’approche.
     
    La charrette va être utile.
    Cette fois, nous avons opté pour la ruse.
    Une aile du château est tout allumée. Le reste du domaine plonge dans les ténèbres.
    — C’est de côté-là qu’elle doit être, gardée prisonnière et tenue sous haute surveillance, dis-je.
    — Séparons-nous, propose don Juan . Deux sections. L’une passera par la grande porte, l’autre par les sommets. Je prends la tête du deuxième groupe. Maître de La Hache, dit encore Amadéor avec le ton d’un homme de commandement, à vous la direction de la première brigade, qui restera à couvert. Vous reprenez les rênes du chariot que vous avez été bien inspiré de conduire ici avec tout son chargement. Vous allez vous faire des amis, car vous apportez du vin, et du meilleur, si l’on