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Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Titel: Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Abtey
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excès de fard ? Ah, on applaudirait, on en redemanderait, tant qu’on ne se reconnaîtrait pas ! Le bourgeois rirait du dévot, le médecin du philosophe, le grand du petit, le nain du géant… jusqu’à ce que l’admiration tourne à la vindicte, le rire à la bile.
    — Monsieur, un visiteur vous demande.
    Janisse sort de sa songerie. Son laquais, Baptiste, est manifestement fort embarrassé.
    — Je n’attends personne. Comment se nomme-t-il ?
    — Ce monsieur s’est présenté sous le nom pour le moins farfelu de Belles-Manières .
    Janisse se décompose. Le fou, que vient-il faire ici ?… chez moi.
    — Je ne connais pas cet homme, tu seras bien aimable, Baptiste, de le renvoyer d’où il vient.
    — C’est que l’homme, monsieur, m’a prié de vous dire que si vous refusiez de le laisser entrer…
    — Eh bien ?
    — Eh bien, qu’il rentrerait tout de même, mais à sa manière, et je crains que sa manière, pardonnez-moi, soit non seulement pour le moins cavalière, mais sans doute meurtrière. C’est que l’épée que tient cet homme contre lui m’a semblé fort pointue et fort…
    Le critique ne veut plus en entendre davantage. Il lève la main.
    — C’est bien, Baptiste, il suffit. Soit, recevons ce drôle, je n’ai rien à craindre, ni d’un auteur outragé, ni d’un maraud égaré. Je saurai bien le renvoyer à sa place, avec diplomatie. Baptiste, laisse-nous seuls, tu as ton congé, d’ailleurs, je n’ai plus besoin de toi aujourd’hui.
    Baptiste repense à la mine de cet homme, à son épée, à ses bottes crottées. Il pense aussi à cette exécution place de Grève à laquelle il va pouvoir assister, on lui propose de fuir, on ne le lui répétera pas. Il marche à reculons, va prendre son couvre-chef et sa cape, en disant :
    — Dans ce cas, je le fais entrer et je vous dis à demain.
    — C’est cela, à demain, Baptiste.
    Belles-Manières fait ses adieux
    Le critique, pâle comme la mort, se cambre pour se donner de la hauteur.
    Ce traîne-rapière ne manque pas de culot !
    Sa grande cape touchant le sol, son large feutre incliné sur le front, l’épée sortant du manteau, les gants déchirés à la main, le brigand Belles-Manières est entré d’un bon pas. Sa longue moustache, sonnez fort, ses yeux pénétrants surmontés de larges sourcils, apparaissent pour la première fois au critique qui n’avait pu voir le visage de ce triste sire. Diable, se dit-il , l’homme n’a pas l’air commode.
    — Comment avez-vous su…
    — Quoi ? Que c’était vous, hier, avec le masque ? Je le sais, c’est tout.
    — Mais enfin. Ce ne sont pas des manières, ce n’est pas ce qui était convenu. Je devais vous faire parvenir l’argent, à l’endroit dit. Que craigniez-vous, que je n’eusse point tenu parole ?
    Belles-Manières prend son temps avant de répondre. Il admire les lieux, la décoration luxueuse de ce cabinet prestigieux, l’impressionnante bibliothèque.
    — Non. Je voulais simplement voir à quoi ressemblait votre chez vous.
    Ma parole, il se moque ! Ravoie s’impatiente.
    — Eh bien, êtes-vous satisfait ?
    — Satisfait n’est pas le mot.
    — Rassurez-moi, cette affaire, vous l’avez menée à bien ?
    — À bien ? Encore une fois, ce n’est pas le terme que j’aurais choisi. Enfin, le vocabulaire, ça vous connaît. Moi, je sais tout juste compter sur mes doigts. Oui, dormez en paix, votre fâcheux ne parlera plus. Morte la bête, mort le venin, comme on dit.
     
    Janisse de La Ravoie peut enfin respirer. Il se sert à boire.
    — J’imagine donc qu’en plus de vouloir découvrir mon intérieur, vous venez également toucher votre salaire ?
    — En effet.
    Janisse de La Ravoie revient à son bureau, ouvre un tiroir, y prend une bourse qu’il jette devant lui. Belles-Manières n’a qu’à tendre la main pour la saisir.
    — Vous ne vérifiez pas ? demande l’employeur.
    — Inutile. Je vous ai dit : les chiffres et les lettres…
    — Que voulez-vous, chacun sa partie, rétorque le critique en vidant sa coupe.
    — Eh bien justement, dit Belles-Manières sans se départir de son calme, en tirant l’épée puis en la pointant sur la gorge du critique, c’est aujourd’hui mon dernier jour et cela, dit-il en désignant ses honoraires, ne se reproduira plus. Une sorte d’écœurement.
    Après être restée un instant immobile, l’épée de Belles-Manières quitte son point d’appui et revient lentement, très lentement se ranger au

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