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Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Titel: Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Abtey
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de son Créateur.
    — Je le conçois, chevalier, mais que de luttes pour gagner le monde à ses idées. Je ne suis pas le seul à être puissant… voyez ce que la noblesse peut entreprendre, comme elle peut me chasser de chez moi, diriger mon peuple à sa guise. Ces lois contre lesquelles se dressa don Juan de Tolède sont défendues par des hommes de fer… plus riches que ne l’est la Couronne. Et une grande part du clergé se rallie à eux. On ne pourra rien entreprendre tant que cette cour, cette cour d’intrigues, arrogante et cupide, n’aura pas été mise au pas. Cela, votre récit ainsi que les événements que je viens de vivre me l’ont fait comprendre. Si je ne puis être un grand réformateur, c’est qu’il est trop tôt. Il faut dompter les fauves, les mettre en cage avant d’ouvrir grand ses portes et de bâtir une société nouvelle. J’aurai sans doute le mauvais rôle, d’Artagnan. Comme don Juan de Tolède acceptant de se charger des viles besognes pour protéger ceux qui lui sont chers, je devrai sacrifier l’envie de plaire, d’être aimé et faire ce qu’il faut. Monsieur de Richelieu ne fut pas porté dans les cœurs, mais la France, l’État, le Royaume, lui doivent beaucoup. Cependant, je puis vous dire que la leçon me servira. Je regarderai bien autour de moi, sans plus de préjugés. Je tâcherai d’apprécier les hommes à leur juste valeur, de les estimer non pour ce qu’ont fait leurs ancêtres par le passé, mais pour ce qu’ils seront capables d’entreprendre. Je les mettrai à l’œuvre au défi, et je les départagerai au résultat, au résultat seulement.
    — Alors, Sire, dit d’Artagnan, je puis vous dire qu’en agissant ainsi vous serez un grand roi, peut-être le plus grand roi qu’eut la France, et je puis ajouter que ce sera toujours un honneur, un privilège, mais encore un plaisir, une joie, de vous servir.
    De pair à compagnon
    « Sire, l’aventure n’est pas terminée.
    Reprenez place, et suivez-moi. Car je suis demandé.
    Edmond de Villefranche est venu me voir, il doit me conduire en particulier près du cardinal. J’essuie au revers de ma cape mon épée ensanglantée, je la range au fourreau, je replace mon feutresur ma tête. Puis, en mémoire du disparu, du compagnon, je m’incline devant l’échafaud avec tous mes compagnons, formant devant ce théâtre où il s’adressa au cœur de Paris, une haie d’honneur. Ce salut, nous le terminons à la pointe de l’épée. Oui, Sire, ce salut que nous rendons devant quantité de témoins étonnés, ce salut que reprend avec moi Hercule de Mainsonneuve, Edmond de Villefranche et la fille de Son Éminence, c’est le salut des mousquetaires.
    Le revenant…
    J’ai fait mes adieux à mes compagnons.
    J’ignore quand je les reverrai. Je les abandonne à leur chagrin, et je marche aux côtés du gentilhomme Edmond de Villefranche, sans dire un mot.
    Le silence est de rigueur. Nous passons plusieurs ruelles, mais je me retourne régulièrement, j’ai la déplaisante sensation d’être suivi. Enfin, nous arrivons devant un carrosse. Huit gardes armés se tiennent aux aguets, à cheval, la rapière à senestre, la crosse de l’arquebuse reposant sur la selle.
    — C’est ici que je vous laisse, me dit Edmond de Villefranche en me serrant chaleureusement, et fort virilement, dans ses bras.
    — Vous ne restez pas ?
    — Non, mais je pense que nous allons nous voir bientôt, avant mon départ de Paris. Maintenant, je ne voudrais pas faire attendre Son Éminence. Le cardinal a quelque chose à vous montrer, quelque chose et quelqu’un.
    Ce disant, Edmond de Villefranche se retire alors qu’un des cavaliers ayant mis pied à terre m’ouvre la portière et m’invite à rentrer dans la cabine de cette voiture aux rideaux tirés. Je me découvre, et j’entre en baissant la tête.
    — Ah, d’Artagnan, me dit Son Éminence, vous voilà.
    Le cardinal n’est pas seul, à côté de lui, un homme portant le masque reste impassible.
    La portière se referme, monsieur le cardinal reprend la parole :
    — D’Artagnan, vous êtes bien placé pour savoir que les morts, défiant les lois de la nature, ont parfois la capacité de subjuguer les vivants en revenant à la vie. Mais que cela reste entre nous, personne ne doit le savoir.
    Tandis que sur ces mots, le voisin de Son Éminence retire son masque et me dit :
    — Eh oui, Amadieu, je suis condamné à errer sur cette terre comme une âme en peine, ni

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