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Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Titel: Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Abtey
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la mort ni le Diable ne semblent vouloir de moi.
    Aucun doute, ce visage, cette voix, appartiennent bien à l’aventurier don Juan de Tolède. »
    …Et le chef d’orchestre
    Le roi bondit de sa chaise.
    — Il est vivant ! Je le savais ! Enfin… je l’espérais…, dit Louis XIV en reprenant sa place.
    — Oui, Majesté, il est bien là, bien vivant, identique à lui-même, c’est-à-dire capable de tout. Mais en l’occurrence, celui qui fut capable de faire croire à son trépas, d’orchestrer toute cette mascarade, le stratège de cette supercherie, c’est bel et bien le cardinal.
    Une supercherie qui tourna au bain de sang, et cela sans qu’il eût pu le prévoir.
    L’intervention de Main-gauche, les violences qu’elle déchaîna, les morts – bien réelles cette fois – qu’elle entraîna, ont bien failli tout faire manquer.
    De même, le cardinal ne s’imaginait pas que l’on allait désobéir à ses ordres en demeurant sur la place de Grève, tandis qu’une troupe armée – armée de balles à blanc selon les instructions de Son Éminence – allait se ruer devant l’échafaud pour tenter de libérer le prisonnier. Cela l’inquiéta au plus haut point. Nous ne pouvions et ne devions pas savoir ce qui se jouait. Seule la compagnie des gardes suisses puis le bourreau, averti au matin seulement, avaient été mis au parfum . Les coups portés ne devaient pas blesser quiconque, travail minutieux, l’illusion devait être parfaite.
    Don Juan de Tolède lui-même ignorait que son protecteur allait être le maître d’œuvre de son évasion.
    Le plan était le suivant : permettre au condamné de quitter l’estrade ; là il devait, comme dans une coulisse, se glisser sous une bâche, celle d’un chariot, qui le conduirait à l’écart et à l’abri. Profitant de la confusion générale, on devait laisser croire que le condamné, après avoir manqué de peu sa fuite, avait été repris,et assommé. Le bourreau, ainsi, n’écoutant que son devoir au mépris des combats environnants, ramenait le corps inanimé du coupable sur l’échafaud, le traînait vers le billot et procédait, sans plus attendre, à son exécution.
    En vérité, vous l’avez compris, Sire, c’était un cadavre que l’on allait tuer pour la seconde fois. Un cadavre arrivé la veille dans les basses geôles de la Bastille pour y être, comme c’est la coutume, en cas d’homicide, mis à l’examen entre les mains de monsieur de Paris . Cette doublure devait avoir des proportions relativement ressemblantes avec celle de l’original. Ensuite, le désordre aidant, nul n’aurait songé à examiner de près la physionomie de cette tête tombée au sol. D’ailleurs celle-ci devait choir à même un panier de son, et être aussitôt déplacée du contexte.
    Mais, comme nous le disions, tout se compliqua avec l’intervention de Main-gauche d’abord, puis de monsieur le prince, le duc de Beaufort ensuite.
    Quant à ce coup de bâton que reçut ce cavalier au moment où il allait faire feu sur sa proie lui échappant, vous ne vous étonnerez pas de savoir, Majesté, qui le porta. Oui, Sire, encore Son Éminence !
    Son Éminence, alarmé par tous ces brigands se ruant de part et d’autre à l’assaut de l’échafaud, luttant par le fer contre les compagnons du condamné, se résolut à emprunter la tenue d’un de ses hommes, et à descendre lui-même se jeter dans la fosse, afin de protéger sa fille et de l’arracher à ce massacre. Seulement, sa fille était continuellement en bataille et en mouvement. Il fallut attendre qu’elle fût faite prisonnière, et que prisonnière elle se fût échappée des bras de son agresseur pour venir à sa défense, voler à son secours, l’arracher à la mort.
    Oui, Majesté, tout ceci est authentique, l’incroyable fait aussi partie de la vie, et ceux qui le mettent en doute, se plaisent à en rire, rient de ceux qui en furent les témoins, s’imaginent simplement, étroitement, que parce qu’ils ne l’ont jamais rencontrée dans leur existence privée d’insolite, il n’est pas concevable qu’il puisse exister ailleurs.
    Mais revenons à nos faits.
    Pourquoi, me demanderez-vous – vous auriez tort certainement de ne pas le faire – avoir mis sur pied cet extraordinaire coup monté, si périlleux, si fastidieux. La première raison, la voici :
    Don Juan de Tolède avait, effectivement, outrepassé les bornes. Prendre l’identité de son protecteur, voler son sceau, ses

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