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Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi

Titel: Don Juan de Tolède, mousquetaire du Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Benoît Abtey
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pistolets sont coincés sous la boucle du ceinturon.
    — Ils sont chargés, dit-elle. Et je mouche une chandelle à cent pas. Faut-il vous le prouver ? Pourquoi faire parler la poudre ? Vous allez tout perdre sur un coup de sang, songez plutôt à vos bénéfices. Vous avez joué, triomphé devant tous, votre honneur est intact, montrez-vous beau joueur et grand seigneur. Relâchez ce misérable, et empochez cette prime : une bonne main saluant votre clémence.
    — Mais qui sait, s’exclame soudain don Juan de Tolède en se versant à boire, je dirais qu’en effet la donne a changé, et que tout compte fait… notre homme se serait pris au jeu… on se sent vivre au jeu, surtout quand la mort est si proche… Je propose autre chose.
    — Monsieur, vous n’êtes pas en état, dit la frondeuse.
    — Comment, pas en état ? reprend l’aventurier en vidant son verre, il s’apprête à le lancer, mais l’aubergiste accourt. Le voyant arriver, l’aventurier, désormais parfaitement ivre, consent à lui laisser le verre.
    Puis il s’explique :
    — C’est ma tête, comme vous dites, chère petite madame… J’aime mieux la laisser entre vos mains nues qu’entre ces gants depeau, c’est entendu. Mais néanmoins, pour mettre tout le monde d’accord… ce qui me ferait bien plaisir… eh bien, j’estime que monsieur a droit à un autre tour de piste… c’est ma dernière volonté… qu’on mette tout sur la table… les deniers et les florins, les pistoles et ma pauvre carcasse. Opposons la liberté à la propriété. Je serai l’arbitre, au milieu. Mademoiselle joue sa bourse, qui m’a l’air de contenir une petite somme… et monsieur la sienne, on est à parts égales. Le gagnant encaisse le pot et me prend sous son aile ou entre ses griffes, qu’en dites-vous ?
    — Cela me convient, répond le barbon.
    — Ah voyez… il est mordu. Vous êtes plus amusant que ce qu’on croit, dit le don Juan en titubant. Allez, mademoiselle, dites oui, c’est moi qui le demande.
    — On ne peut pas sauver celui qui veut se perdre, dit la jeune femme d’un air sombre.
    — C’est entendu, lui répond l’aventurier en l’invitant à s’approcher.
    Le barbon joue le premier.
    Il fait dix. Six et quatre. C’est un beau chiffre. Difficile de faire mieux.
    La demoiselle s’approche.
    On lui tend les dés. Elle les prend.
    À cet instant, don Juan, une bouteille à la main, va offrir à boire au barbon et à sa femme. Madame se laisse servir et monsieur refuse. Mais l’aventurier a versé sans attendre de réponse. Un peu de vin tache le pourpoint du barbon, furieux.
    — Maladroit ! Saligaud ! dit-il.
    Dans l’assemblée, le rire l’emporte.
    — Excusez-moi… J’suis d’une maladresse, dit le don Juan en tendant un mouchoir.
    Pendant ce temps, une opération discrète a eu lieu. Bastoche me fait un nouveau signe. La frondeuse a profité de la diversion pour changer la paire de dés. Ni vu ni connu.
    Le barbon s’est essuyé. La partie peut reprendre.
    Mademoiselle lance les dés. Un double six fait s’élever des cris d’enthousiasme. Victoire. Le barbon se lève. Un masque sur le visage.
    Il pousse sa bourse, avec mépris… d’un air de dire : Allez au diable.
    — Attendez, dit don Juan. Encore un tour.
    — Le jeu a assez duré, monsieur, répond le vaincu. J’ai donné tout ce que j’avais.
    — Je n’en crois pas un mot. Quand on cherche, on trouve… je suis certain que vous avez encore quelques réserves, dans vos petites poches…
    Silence.
    — Peut-être, oui, répond l’autre, qui se laisse prendre par la fièvre du jeu.
    — Tapis. Le tout pour le tout.
    Cette fois, la jeune épouse veut retenir son mari, qu’elle sent tenté.
    — Ne cédez pas, mon ami, retirons-nous.
    — Sur un échec ? glisse le don Juan en enfonçant le couteau dans la plaie.
    Le barbon hésite.
    — Soit, finit-il par dire. Il fait venir un de ses hommes qui lui remet une autre bourse. Plus petite que la première. Mais de bon poids, tout de même.
    — À la bonne heure, dit l’aventurier, Monsieur, je vous félicite, vous êtes des nôtres.
    — Faites taire ce soudard ! répond-il avec hauteur.
    On s’assoit de nouveau.
    La frondeuse veut commencer… avec ses dés. Mais le don Juan prend sa place.
    — À chacun son tour, dit-il.
    La jeune femme s’empourpre. Elle n’aime pas ça.
    — Faites-moi confiance, reprend le joueur. Venez, Molière, dit-il bien haut.
    Le comédien s’approche.
    Don Juan tend

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