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Du sang sur Rome

Du sang sur Rome

Titel: Du sang sur Rome Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Steven Saylor
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généreusement
sur nous l’odeur d’encens qui l’imprégnait de la tête aux pieds.
    Rufus avait les yeux noisette et des taches de rousseur. Il
portait la tenue des mineurs : une tunique droite en laine blanche, aux
manches longues pour déjouer les regards concupiscents. Bientôt, il passerait
la toge virile. Pour l’instant, la loi en faisait un garçon. Visiblement, il
idolâtrait Cicéron et, visiblement, Cicéron appréciait.
    Cette noble assemblée ne s’offusquait pas de ma présence à
sa table. Certes, ils avaient besoin de moi dans un domaine où aucun d’eux n’était
compétent. Ils me traitaient donc avec la déférence qu’un sénateur témoigne
envers son maçon, lorsque la voûte de sa chambre à coucher menace de s’écrouler.
Quant à Tiron, ils l’ignoraient complètement.
    Cicéron s’éclaircit la voix.
    — Cæcilia, il fait très chaud. Après cette malheureuse
intrusion dans ton sanctuaire, peut-être pourrions-nous passer à des sujets
plus concrets ?
    — Bien entendu. Vous venez à propos de ce pauvre
Sextus.
    — Oui. Gordien ici présent peut nous aider dans le
cadre de sa défense.
    — Sa défense ? Ah oui, je suppose qu’ils sont
toujours là, ces gardes odieux. Vous avez dû les remarquer en entrant.
    — Sans aucun doute.
    — C’est honteux. Le jour où ils sont arrivés, je leur
ai dit tout net : je ne le tolérerai pas. Sans aucun succès, d’ailleurs.
Injonction du tribunal, répondirent-ils. Si Sextus vient habiter ici, il est
assigné à résidence. Il faut un garde à chaque issue, nuit et jour. « Assigné
à résidence ? ai-je dit. Est-ce à dire qu’il est en prison, tel un soldat
captif ou un esclave fugitif ? Je connais bien les lois, et aucune ne vous
permet de confiner un citoyen romain à son domicile, ni chez sa protectrice. »
    C’est ainsi : un citoyen inculpé a toujours la liberté
de s’enfuir s’il refuse de passer devant les tribunaux, à condition de renoncer
à ses biens.
    — Ils ont alors
envoyé chercher un délégué du tribunal, qui m’a tout expliqué, en y mettant les
formes – tu n’aurais pas mieux fait, Cicéron. « Tu as raison,
a-t-il expliqué, sauf dans certains cas. Par exemple, de peine capitale. »
Et qu’entendait-il par là ? « Capital comme dans décapité –  autrement dit, les cas où l’on coupe la tête, ou
tout autre organe vital, entraînant la mort. »
    Cæcilia Metella s’adossa à son fauteuil et s’éventa, les
yeux soudain embués. Rufus posa tendrement la main sur son bras.
    — C’est alors que j’ai mesuré l’ampleur du drame.
Pauvre petit Sextus, l’unique enfant de mon vieil ami ! Après avoir perdu
son père, il risque sa propre tête. Pire que cela ! Cet individu, ce
délégué a tenu à m’expliquer exactement la sentence en cas de parricide. Oh !
Jamais je ne l’aurais cru, si tu ne l’avais confirmé, Cicéron. C’est trop
horrible, trop horrible pour même en parler !
    Cæcilia s’éventa furieusement. Ses paupières noires de khôl
battaient comme des ailes d’insecte. Elle semblait au bord de l’évanouissement.
    Rufus lui versa un verre d’eau. Elle refusa d’un geste.
    — Je ne prétends pas connaître cet homme sous mon toit ;
c’est son père que je chérissais, à l’égal de mes meilleurs amis. Il est son
fils, et je lui ai offert l’hospitalité. Ce que cet individu, ce délégué, cet
odieux personnage m’a décrit ne saurait s’appliquer qu’au plus misérable, au
plus vil des assassins.
    Elle ferma les yeux et tendit le bras à l’aveuglette. Rufus lui
colla maladroitement le verre dans la main. Elle but une gorgée et le lui
rendit.
    — J’ai demandé à cette créature, ce délégué, avec
raison je pense, de bien vouloir poster ses soldats un peu plus loin. C’est
humiliant, à la fin. J’ai des voisins, cela fait jaser. Des clients et des personnes
à charge qui viennent chaque jour solliciter mes faveurs ; les soldats les
font fuir. Mes neveux et nièces craignent de me rendre visite. Oh, les
militaires savent tenir leur langue, mais la façon dont ils regardent une jeune
fille ! Ne peux-tu donc rien faire, Rufus ?
    — Moi ?
    — Mais oui, toi ! Ne pourrais-tu pas faire
pression sur… sur Sylla. C’est lui qui nomme les magistrats. Et je te rappelle
qu’il a épousé ta sœur, Valeria.
    — Oui, mais ça ne veut pas dire…
    Rufus s’empourpra.
    — Allons, fit Cæcilia d’un air conspirateur, tu es

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