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Du sang sur Rome

Du sang sur Rome

Titel: Du sang sur Rome Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Steven Saylor
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prêtres profèrent les imprécations finales, on jette
le sac dans le Tibre. Des vigiles sont postés jusqu’à Ostie. Si le sac échoue
sur la rive, on le repousse dans le courant, jusqu’à ce qu’il atteigne la mer
où il est emporté.
    « Le parricide détruit la source même de sa vie ;
il la terminera privé des éléments vitaux. La terre, l’air, l’eau, même la
lumière lui sont déniés. Jusqu’à la fin où le sac se déchire, livrant ses
dépouilles à Neptune, puis à Pluton. Loin de la pitié, de la mémoire, et même
du dégoût de l’humanité. »
    Le silence régnait. Cicéron poussa un profond soupir. Un
sourire erra sur ses lèvres. Il n’était pas mécontent de lui.
    Cæcilia baissa son éventail. Elle était livide sous son
maquillage.
    — Tu comprendras mieux, Gordien, quand tu verras ce
pauvre Sextus ! Tu comprendras sa détresse. Il est pétrifié de peur. Il
sait ce qui l’attend. Tu dois le sauver, tu dois aider Rufus et Cicéron.
    — Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir. Si la vérité
peut sauver Sextus Roscius… Je suppose qu’il est là, quelque part dans la
maison ?
    — Hélas, oui. Il n’a pas le droit de sortir. Il se
serait volontiers joint à nous, sauf que…
    — Oui ?
    Rufus hésita.
    — Tu verras.
    — Je verrai quoi ?
    — C’est une épave, dit Cicéron. Il est pratiquement fou
de terreur.
    — A-t-il si peur d’être condamné ? Les charges
contre lui doivent être accablantes.
    — Bien sûr qu’il a peur, fît Cæcilia en chassant une
mouche qui s’était posée sur sa manche. Mets-toi à sa place. Ce n’est pas parce
qu’il est innocent que… enfin, nous savons tous, surtout depuis… mettons l’année
dernière, qu’être innocent ne suffit pas à vous mettre en sécurité.
    — L’homme a peur de son ombre, reprit Cicéron. Il avait
peur avant de se réfugier ici, et plus encore maintenant. Peur d’être condamné,
peur d’être acquitté. Il prétend que l’assassin de son père n’aura de cesse de
le tuer aussi ; que le procès est une machination pour l’éliminer. S’ils n’y
arrivent pas par les voies légales, ils l’abattront en pleine rue.
    — Il me réveille par ses hurlements, la nuit.
    Cæcilia donna une tape de son éventail. La mouche s’envola.
    — On l’entend jusqu’à ma chambre à coucher. Des
cauchemars.
    Rufus frissonna.
    — C’était presque un soulagement quand les soldats sont
arrivés. Comme s’ils étaient là pour le protéger, et non l’empêcher de fuir.
Fuir ! Il ne quitte même pas ses appartements.
    — C’est vrai, dit Cicéron. Autrement, je te l’aurais
présenté dans mon bureau. Nous n’aurions pas eu besoin de déranger notre
hôtesse.
    — C’eût été bien regrettable pour moi, de ne pas être
reçu dans la demeure de Cæcilia Metella. Mais de toute façon, j’aurais été
amené à la rencontrer au cours de mon enquête.
    — Pourquoi donc ? objecta Cicéron. Cæcilia ne sait
rien du meurtre de Sextus Roscius. C’est une amie de la famille, pas un témoin.
    — Il n’empêche. Cæcilia Metella est l’une des dernières
à avoir vu Sextus Roscius en vie.
    — C’est exact, approuva Cæcilia. Il a pris son dernier
repas ici même, dans cette pièce. Oh, comme il aimait cet endroit ! Les
champs, les vallons d’Ameria, la vie au grand air l’ennuyaient à mourir. « C’est
le seul jardin qui me convienne », disait-il. (Elle désigna les peintures.)
Vous voyez le paon, là-bas, celui qui fait la roue ? Comme il admirait ce
dessin, ces couleurs ! Je me souviens, il l’appelait son Gaïus, et je
devais en faire autant. Gaïus aussi aimait cette pièce.
    — Gaïus ?
    — Oui. Son fils.
    — Je croyais que le défunt n’avait qu’un fils.
    — Pas du tout. Enfin, si, après la mort de Gaïus.
    — Qui a eu lieu quand ?
    — Laisse-moi réfléchir. Il y a trois ans ? Oui. C’était
le soir même du triomphe de Sylla. Le Palatin était en liesse : on
célébrait la fin des guerres civiles. Je recevais moi-même, toutes portes
ouvertes. Quelle nuit torride ! Sylla en personne est passé. Je me
souviens, il a eu ce mot : « Ce soir, a-t-il dit, tout ce qui compte
à Rome est en train de faire la fête – ou de faire ses malles. »
Évidemment, certains qui faisaient la fête auraient mieux fait de partir. Qui
pouvait prévoir que les choses iraient si loin ?
    Elle soupira.
    — C’est donc ici que Gaïus est mort ?
    — Oh

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