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Du sang sur Rome

Du sang sur Rome

Titel: Du sang sur Rome Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Steven Saylor
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quelques deniers pour l’introduire
dans la maison. A sa voix aiguë, à sa poitrine renflée, je compris que nous
avions affaire à un eunuque. Certes, ces créatures font partie de la
civilisation orientale, mais elles restent une rareté à Rome, et l’objet d’une
profonde répugnance. Cæcilia avait beau être une adepte, entretenir un eunuque
dans sa domesticité relevait d’une affectation qui me parut outrée.
    Nous le suivîmes dans l’atrium central et en haut d’un
escalier de marbre. Il écarta des tentures et nous fit pénétrer dans une salle
qui n’aurait pas déparé un lupanar de luxe à Alexandrie.
    On se serait cru dans une tente surchargée d’ornements, avec
des tapis, des coussins, des pendeloques accrochées partout. Des lampes de
bronze brûlaient aux quatre coins. J’avais du mal à respirer. On y consumait
toutes sortes d’épices, sans tenir compte de leurs propriétés. Le mélange de
myrrhe et de bois de santal vous donnait la nausée.
    — Maîtresse, susurra l’eunuque, l’honorable Marcus
Tullius Cicéron, avocat.
    Il s’éclipsa.
    Notre hôtesse était prosternée tout au bout de la pièce,
face contre terre. Deux esclaves étaient agenouillées à ses côtés. Brunes de
peau, abondamment maquillées, elles étaient vêtues de voiles diaphanes.
Au-dessus d’elles, dominant la pièce, se dressait l’objet du culte de Cæcilia.
    C’était certainement l’incarnation d’une déesse mère,
Cybèle, Isis ou Astarté. La statue de huit pieds de haut effleurait le plafond.
Elle avait un visage sévère, presque masculin, et portait une couronne de
serpents. À première vue, je pris les reliefs qui ornaient son torse pour une
multitude de mamelles. De près, la façon dont ils étaient disposés évoquait plutôt
des testicules. La déesse tenait à la main une faux, dont la lame était peinte
en rouge vif.
    — Quoi ? fit une voix étouffée par les coussins.
    Cæcilia tenta de se relever. Les deux esclaves l’aidèrent en
la soulevant chacune par un bras. Elle se retourna et nous dévisagea, comme
prise de panique.
    — Non, non ! hurla-t-elle. Quel imbécile cet
eunuque ! Sortez, sortez immédiatement, Cicéron ! Il ne fallait pas
rentrer, il fallait attendre derrière la tenture. Comment a-t-il pu commettre
une faute aussi grossière ? Aucun homme n’est admis dans le sanctuaire de
la déesse. Oh non, voilà que ça recommence ! Selon le rite, vous devriez
être sacrifiés tous les trois. Flagellés, au moins. Bien sûr, l’un d’entre vous
pourrait expier pour les autres – mais non, je ne peux exiger ça de
toi, Cicéron, je sais combien tu es attaché au jeune Tiron. Alors celui-là,
peut-être…
    Elle aperçut mon anneau de fer, marque du citoyen, et baissa
les bras, abattue. Ses ongles anormalement longs étaient teintés au henné, à la
mode égyptienne.
    — Ah là là ! il va encore falloir flageller une de
ces pauvres filles à la place, comme la semaine dernière à cause de Rufus. Dire
qu’elles sont si délicates. La déesse va être furieuse…
     
    — C’est la deuxième fois ! Tu crois qu’il le fait
exprès ou quoi ?
    Nous étions dans la salle de réception de Cæcilia, un long
rectangle éclairé par des verrières et ouvert aux deux extrémités pour laisser
passer l’air. Les murs étaient peints en trompe-l’œil, de façon à représenter
un jardin – de l’herbe, des arbres, des fleurs, des paons sous un
ciel bleu. Le carrelage au sol était vert, le plafond drapé de bleu.
    — Non, non, je sais ce que tu vas me dire, Cicéron.
Mais Ahausarus est trop précieux pour s’en débarrasser, et trop fragile pour
être puni. Si seulement il n’était pas si étourdi !
    Nous étions assis autour d’un guéridon en argent, chargé d’eau
fraîche et de grenades – Cicéron, moi-même, Cæcilia, et le jeune
Rufus, arrivé avant nous, mais qui s’était bien gardé de pénétrer dans le
sanctuaire. Tiron se tenait debout, en retrait derrière son maître.
    Cæcilia Metella était une grande femme rubiconde. Malgré son
âge, elle paraissait robuste. Quelle qu’ait été leur couleur d’origine, ses
cheveux rouge flamboyant remontaient en torsade au sommet du crâne, maintenus en
place par une épingle d’argent à la tête incrustée de cornaline. Elle était
vêtue d’une stola de prix et parée de quantité de bijoux. Son visage
disparaissait sous le fard. Un éventail à la main, elle répandait

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