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Du sang sur Rome

Du sang sur Rome

Titel: Du sang sur Rome Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Steven Saylor
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tant d’imprudence : un
vieillard virtuellement sans défense, errant la nuit tombée, ivre et fier de
montrer ses richesses, qui se rendait à la convocation d’une fille. La chance
avait fini par le laisser tomber.
     

7
    Sextus Roscius et sa famille avaient été relégués dans une
aile éloignée de la vaste demeure. L’eunuque Ahausarus nous y emmena en passant
par un labyrinthe de couloirs. Nous arrivâmes près des latrines.
    Telle une matrone des temps héroïques, Cæcilia était prête à
assumer les inconvénients, voire l’opprobre, pour protéger un client de sa famille.
Mais qu’il ne s’attende pas à crouler sous le luxe, ni à résider trop près de
ses appartements ! Je commençais à me demander si Cæcilia était si
convaincue de son innocence, pour le loger avec tant de mauvaise grâce.
    — Depuis combien de temps vit-il sous son toit ?
    — Je ne suis pas sûr, répondit Cicéron. Rufus ?
    — Environ trois semaines. Il n’était pas là avant les
nones d’avril, en tout cas. Je n’étais même pas au courant. Avec l’arrivée des
soldats, il a bien fallu que Cæcilia s’explique. Elle ne fait aucun effort
particulier pour le présenter. Je ne pense pas qu’elle tienne à lui, et il faut
dire que sa femme est vraiment très commune.
    — Et que vient-il faire à la ville, s’il aime tant la
campagne ?
    Rufus haussa les épaules.
    — Je n’en sais rien, et Cæcilia non plus. Lui et sa
famille sont juste apparus un beau jour en suppliant qu’on les laisse entrer.
Je pense que Cæcilia ne l’avait jamais rencontré de sa vie. Bien entendu, quand
il s’est présenté, elle lui a ouvert les portes. Cela faisait un moment qu’il
avait des ennuis, avec la mort de son père. Les problèmes ont dû commencer à
Amena. C’est à croire qu’il a été chassé, car il est arrivé les mains vides ;
sans même un esclave. Demande-lui qui s’occupe du domaine en son absence. Il te
dira que tout a été vendu, ou que de vagues cousins gèrent ce qui reste.
Veux-tu des précisions ? Il pique une de ses crises. Personnellement, je
crois qu’Hortensius a renoncé à le défendre par pure frustration.
    Ahausarus nous introduisit avec cérémonie :
    — Sextus Roscius, fils de Sextus Roscius, fit-il en
saluant le personnage assis au centre de la pièce, un très honorable client de
notre maîtresse. Je t’amène des visiteurs, dit-il en nous désignant d’un geste.
Le jeune Messalla et Cicéron, l’avocat, que tu connais. Ainsi qu’un autre
homme, du nom de Gordien.
    Il ne présenta ni Tiron, ni la femme qui cousait, assise en
tailleur dans un coin, pas plus que les deux jeunes filles agenouillées près de
la fenêtre, qui jouaient à une sorte de jeu.
    Ahausarus se retira. Rufus fit un pas en avant.
    — Tu as meilleure mine qu’hier, Sextus Roscius.
    C’est à peine si l’homme hocha la tête.
    — Peut-être seras-tu plus loquace aujourd’hui. Cicéron
se prépare pour sa plaidoirie – je te rappelle que le procès a lieu
dans huit jours. C’est pourquoi Gordien nous accompagne. Il a du talent pour
dénicher la vérité.
    — C’est un magicien ?
    — Non, un enquêteur. Mon frère Hortensius a souvent
recours à ses services.
    — Hortensius… ce lâche qui a tourné casaque pour mieux
fuir ? Qu’ai-je à espérer des amis d’Hortensius ?
    La pâle figure de Rufus vira au rouge tomate. Je lui fis
signe de se taire.
    — Dis-moi seulement ceci, lançai-je d’une voix forte.
(Cicéron fronça les sourcils, mais je passai outre.) Avant d’aller plus loin,
Sextus Roscius d’Ameria : as-tu tué ton père ou es-tu responsable de sa
mort en quelque manière ?
    Je le dominai de ma taille, le défiant du regard. Il leva la
tête. Ce que je vis alors, c’était un visage qui respirait la simplicité :
tanné par le soleil, buriné par les vents, blanchi par le temps. Roscius était
peut-être un riche fermier, il était avant tout fermier. Nul ne peut faire
travailler les paysans sans en adopter l’allure ; ni faire lever la
moisson, fût-ce à grand renfort d’esclaves, sans s’incruster de la terre sous
les ongles. Il y avait quelque chose de brut dans son expression, quelque chose
de rugueux comme un bloc de granit. C’était donc lui, le fils abandonné à la
campagne pour battre l’esclave récalcitrant, tirer la charrue du fossé, tandis
que le jeune et élégant Gaïus grandissait à la ville, couvé par son épicurien
de père !
    Je

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