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Du sang sur Rome

Du sang sur Rome

Titel: Du sang sur Rome Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Steven Saylor
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dans l’inconnu –, l’obscurité guetter, elle
nous laisse un répit, et Rome peut bien s’imaginer qu’elle fera de doux rêves.
    Je pris par des rues de traverse. Si seulement le soleil
pouvait rester posé sur l’horizon, comme une balle sur une corniche, si le
crépuscule pouvait se prolonger indéfiniment ! Qu’elle serait mystérieuse,
ma cité, baignée dans les ombres bleues, avec ses allées moussues et odorantes
comme les bords d’une rivière !
    J’atteignis le long boyau que j’appelle le Goulet. Mon
sentiment de sérénité m’abandonna. C’est une chose de l’emprunter de jour, une
autre quand la lumière vient à manquer. En l’espace de trois pas, je me trouvai
plongé dans une nuit prématurée, entre deux murs noirs, avec de la grisaille
devant et derrière, et un mince ruban de ciel bleu foncé pour tout repère.
    Il me restait une petite transaction à régler avant de remonter
sur l’Esquilin. Il y a des écuries sur la voie Subure, pas loin du raidillon
qui grimpe jusqu’à ma maison. Le propriétaire de ce relais de poste est une
vieille connaissance. Je lui dis qu’il me fallait une monture pour un voyage
éclair à Ameria.
    — Ameria ? (À califourchon sur un banc, il
vérifiait les comptes de la journée.) Il faut compter au moins huit heures de
cheval.
    — Une fois sur place, j’ai beaucoup à faire, et je
compte revenir à Rome le lendemain matin. A moins de devoir filer en vitesse.
    L’homme me jeta un regard en dessous. Il n’avait jamais
compris la nature de mes activités, mais les soupçonnait fortement d’être
criminelles.
    — Je suppose que tu voyages seul, en fou que tu es ?
    — Oui.
    Il se racla la gorge et cracha un paquet de mucosités sur la
paille derrière lui.
    — Tu as besoin d’un cheval robuste et rapide.
    — Le plus robuste et le plus rapide, acquiesçai-je.
Vespa.
    — Et si Vespa n’était pas disponible ?
    — Je vois sa queue dépasser d’ici, à sa place
habituelle.
    — Tu as une bonne vue. Un de ces jours, tu reviendras
me raconter sa triste fin, et tous les efforts que tu as faits pour l’éviter. « Filer
en vitesse », c’est ça. Bien entendu, tu n’as pas d’explications à me
donner. C’est ma meilleure jument. Je ne voudrais pas qu’on me la crève.
    — Il est plus probable qu’un de ces jours, elle
rentrera sans cavalier. Mais tel que je te connais, tu ne verseras pas une
larme sur mon sort. Je dois partir avant l’aube. Prépare-la pour moi.
    — Au tarif habituel ?
    — Non, dis-je, savourant sa mine déconfite. Avec un bon
pourboire.
    Un sourire bougon détendit sa vilaine figure.
    Le jour s’attardait sur les sept collines de Rome. Le soleil
avait disparu pour de bon, mais l’Esquilin était encore nimbé de lumière. En
grimpant mon raidillon, je baignais dans une lumière bleu pâle. Les étoiles
commençaient à poindre dans le ciel.
    Sans raison, je hâtai le pas, mon cœur se mit à battre la
chamade. Je crus entendre une femme crier mon nom dans le lointain.
    La porte de ma maison était grande ouverte. Sur le
chambranle, quelqu’un avait plaqué une main noire et gluante. Inutile de
vérifier : c’était du sang.
    Tout était calme à l’intérieur. Le seul éclairage venait du
jardin – la lumière bleutée du crépuscule se glissait à travers les
colonnes, jusque dans les pièces ouvertes. Le sol était flou comme la surface d’une
piscine. Je distinguai à mes pieds des éclaboussures de sang – de
grosses taches rondes, certaines irrégulières comme des empreintes de pied.
Elles formaient une piste qui se terminait au niveau du mur de la chambre de
Bethesda.
    C’était une véritable explosion, noire comme de l’encre sur
le plâtre blanc, avec des filaments qui partaient vers le plafond et une large
coulée qui descendait jusqu’au sol. On avait gribouillé un message en lettres
de sang. Les lettres étaient petites et mal formées. Je n’y voyais rien dans la
pénombre.
    — Bethesda ? chuchotai-je.
    Le nom résonna bêtement à mes oreilles. Je le répétai de
plus en plus fort, effrayé par la stridence de ma voix. Pas de réponse.
    Je ne bougeai plus. Le silence était total. L’obscurité
semblait se concentrer dans les coins, d’où elle se propageait. Le jardin vira
au gris cendré. La nuit était tombée.
    Je m’écartai du mur, me demandant où trouver une lampe et de
l’amadou. C’était toujours Bethesda qui s’occupait des feux à la

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