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Du sang sur Rome

Du sang sur Rome

Titel: Du sang sur Rome Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Steven Saylor
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m’ont forcée à regarder. (Elle avait les yeux rivés sur
la table.) J’avais grondé Bast tout l’après-midi, continua-t-elle d’une voix
blanche. L’odeur du poisson l’excitait. L’un d’eux l’a trouvée dans la cuisine
et l’a emmenée dans le vestibule. Elle l’a mordu et griffé au visage. Il l’a
lancée contre le mur. Puis il a sorti son couteau… (Elle releva la tête.) Ils
ont écrit quelque chose avec le sang. Ils ont dit que c’était pour toi, que tu
n’avais pas intérêt à oublier. Qu’est-ce que c’est ? Un sort ?
    — Non. Des menaces. Ça ne veut rien dire.
    — C’est à cause du jeune esclave qui est venu hier, n’est-ce
pas ? Ton nouveau client, le parricide ?
    — Peut-être, mais je ne vois pas comment. Cicéron m’a
envoyé quérir seulement hier, et je n’ai commencé qu’aujourd’hui à enquêter.
Ils se sont mis en route avant même que j’aie parlé à l’épicière et son mari…
Comment t’es-tu échappée ?
    — Comme avec toi. Je l’ai mordu. Le grand qui me tenait
était un vrai couard. Il a couiné comme un goret.
    — De quoi avaient-ils l’air ?
    — Grands, gros. Des gladiateurs, des gardes du corps.
Affreux.
    — Et l’un d’eux boitait, énonçai-je automatiquement,
mais Bethesda secoua la tête.
    — Non, je les ai bien regardés s’éloigner la première
fois.
    — Tu es sûre ?
    — Je n’ai pas bien vu celui qui me maintenait. Mais l’autre
était très grand, blond, un géant. Il saignait à cause de Bast. J’espère qu’il
aura une cicatrice.
    Elle mit le poisson dans la marmite, jeta les fines herbes
et recouvrit le tout de feuilles de vigne. Elle versa de l’eau d’une amphore et
mit la marmite sur le feu. Je remarquai que ses mains tremblaient.
    — Ce n’est pas le genre d’homme à se satisfaire de tuer
une chatte, tu ne crois pas ?
    — Je pense comme toi.
    — Ils avaient laissé la porte ouverte. Je devais m’enfuir
pendant que l’autre était occupé à tracer ses lettres. Alors, je l’ai mordu de
toutes mes forces. Là. (Elle montra le renflement de son avant-bras.) Je me suis
dégagée et j’ai couru dehors. Ils m’ont poursuivie, mais se sont arrêtés juste
après le seuil.
    « Je me suis perdue dans les rues. Mais de retour à l’extrémité
de notre sentier, j’ai pris peur. Je suis allée me réfugier dans la taverne de
l’autre côté de la rue. Je connais la cuisinière ; elle m’a laissée aller
dans une chambre à l’étage et m’a prêté une lampe. Je t’ai appelé quand je t’ai
vu passer pour te prévenir. Mais tu n’as rien entendu. (Elle fixait la flamme.)
Tu crois qu’ils vont revenir ?
    — Pas ce soir, la rassurai-je, sans en avoir la moindre
idée moi-même.
    Après le dîner, je n’aspirai plus qu’à dormir, mais Bethesda
n’eut de cesse que nous ayons disposé du petit cadavre.
    Les Romains ne vénèrent pas les animaux comme des dieux. Ils
ne font guère de sentiment à propos de nos amis domestiques. Et comment en
serait-il autrement, quand ils accordent si peu d’importance à la vie humaine ?
Au contact de leurs maîtres blasés, les esclaves venus du monde entier perdent
souvent la notion du sacré qu’ils ont acquise dans leur enfance en terre
lointaine. Mais Bethesda éprouvait une terreur religieuse à la mort d’un
animal. A sa manière, elle pleurait Bast.
    Il fallut construire un bûcher au centre du jardin. Elle
alla chercher une robe, une belle robe de lin blanc que je lui avais offerte à
peine un an auparavant. Je tressaillis quand elle la déchira pour en faire un
linceul. Elle en enveloppa le corps avec le plus grand soin. Elle le déposa sur
le bûcher et murmura quelque chose en regardant les flammes bondir. La fumée
monta tout droit sous la lune.
    Je n’avais qu’une envie, dormir. Je lui intimai de me
rejoindre, mais elle s’y refusa tant que le sol ne serait pas nettoyé. Armée d’un
seau d’eau chaude, elle frotta jusque tard dans la nuit. J’eus le plus grand mal
à la convaincre de laisser l’inscription intacte. Pour elle, c’était attirer le
mauvais sort.
    Je dus m’endormir dans une maison illuminée de tous ses
feux. Elle finit par se glisser dans le lit, mais sa présence ne fut pas un
réconfort. Toute la nuit, elle se releva pour vérifier les loquets et fenêtres,
pour remplir les lampes et changer les bougies.
    J’eus un sommeil agité. Je rêvais que je chevauchais un
cheval blanc sur une lande stérile,

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