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Du sang sur Rome

Du sang sur Rome

Titel: Du sang sur Rome Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Steven Saylor
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maison.
Bethesda ! A sa pensée, un gouffre d’angoisse s’ouvrit en moi. C’est alors
que je trébuchai sur quelque chose ; une petite chose molle et inerte. Je
reculai et glissai dans du sang. La forme à mes pieds était méconnaissable,
mais je ne tardai pas à comprendre.
    Une lumière trembla du côté de la porte. Je me redressai, me
maudissant de n’être pas armé. Le couteau du petit muet me revint en mémoire.
Je farfouillai dans les plis de ma toge et m’en saisis. Je fonçai à la porte,
tapi dans l’ombre. Quand la lampe émergea, j’agrippai l’intrus à la gorge.
    Elle hurla et me mordit l’avant-bras. Je tentai de me
dégager, mais ses dents restaient plantées dans ma chair.
    — Bethesda, suppliai-je, c’est moi !
    Elle se retourna vivement, dos au mur, et s’essuya la bouche
de la main. Je ne sais par quel miracle, elle avait réussi à maintenir sa lampe
en l’air sans répandre une goutte d’huile.
    — Pourquoi as-tu fait ça ? cria-t-elle en frappant
du poing contre le mur.
    Il y avait une lueur de folie dans ses yeux. Je vis des
traces de coups sur son visage. Sa robe était déchirée à l’encolure.
    — Bethesda, tu es blessée ? Tu as mal ?
    Elle ferma les yeux et respira un grand coup.
    — Un peu.
    Elle brandit la lampe et regarda vers sa chambre avec une
telle expression de désespoir que je crus à une nouvelle menace. Elle n’avait d’yeux
que pour le cadavre ensanglanté de sa chère Bast.
    Je voulus la prendre dans mes bras, elle me repoussa en
frissonnant. Elle courut de chambre en chambre allumer chaque lampe et chaque
bougie. Quand elle se fut assurée qu’il n’y avait personne d’embusqué, elle
verrouilla la porte et repartit à travers la maison fermer toutes les issues.
    Je la suivais en silence, constatant les dégâts :
meubles renversés, tentures arrachées, objets fracassés par terre. Je baissai
les yeux, hébété. Je m’approchai de l’inscription sur le mur. Les lettres de
toutes tailles étaient maladroites, certaines inversées, mais l’orthographe
était correcte. Visiblement, c’était l’œuvre d’un analphabète, qui ne faisait
que recopier les symboles qu’il avait sous les yeux :
     
    TAIS-TOI OU MEURS
    QUE LA JUSTICE
ROMAINE
    SUIVE SON COURS
     
    Bethesda me frôla, faisant un grand détour pour éviter le
cadavre de la chatte.
    — Tu dois avoir faim, fit-elle d’une voix étrangement
calme.
    — Très faim, admis-je.
    Je l’accompagnai à l’office, à l’arrière de la maison. Elle
souleva le couvercle d’une marmite, en retira un poisson entier. Sur la table,
il y avait une poignée de fines herbes, un oignon, des feuilles de vigne.
    — Tu vois, dit-elle, je venais de rentrer du marché.
    — Quand sont-ils arrivés ? Combien étaient-ils ?
    — Deux hommes. (Elle attrapa un couteau et trancha la
tête du poisson d’un coup sec.) Ils sont venus deux fois. La première en fin de
matinée. J’ai fait comme tu m’as toujours dit, je leur ai parlé à travers le
judas. J’ai dit que tu étais sorti et que tu rentrerais tard. Ils ont dit qu’ils
reviendraient, sans autre précision.
    Je l’observais qui enlevait les écailles de la pointe du
couteau et de l’ongle. Ses mains étaient extraordinairement rapides.
    — Plus tard, je suis allée faire les courses. Il
faisait si chaud que le marchand avait peur pour son poisson. J’ai pu l’avoir
pour un bon prix. Tout frais de la rivière. Je suis rentrée ; la porte
était fermée, le verrou bien en place. J’ai vérifié, comme tu m’avais dit. Il
faisait si chaud, si lourd. Pas le moindre courant d’air dans le jardin. Alors
j’ai laissé la porte entrouverte, quelques instants. Mais j’ai dû oublier. Je
suis allée m’allonger dans ma chambre ; j’avais du mal à rester éveillée.
Puis, je les ai entendus dans le vestibule. Je ne sais pas pourquoi, je savais
que c’étaient eux. Ils parlaient bas ; après, il y a eu un grand bruit,
comme une table renversée. Ils se sont mis à crier, à t’appeler, à brailler des
obscénités. Je me suis cachée dans ma chambre. Je les ai entendus tout
renverser sur leur passage. Ils sont arrivés ; ils m’ont trouvée tout de
suite.
    — Et après ? questionnai-je, le cœur battant.
    — Ce n’est pas ce que tu crois. (Elle essuya une
larme.) L’oignon, fit-elle.
    Je vis son poignet meurtri, cerclé de brun.
    — Ils m’ont bousculée. L’un d’eux m’a tenue
par-derrière ; ils

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