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Du sang sur Rome

Du sang sur Rome

Titel: Du sang sur Rome Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Steven Saylor
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pendant des milles et des milles, incapable
de me rappeler d’où je venais ni les raisons de ma course. Au milieu de la
nuit, je me réveillai épuisé, comme par un long et pénible voyage.

15
    Jamais Bethesda ne pourrait rester seule en mon absence. Un
an plus tôt, le problème ne se serait pas posé : j’entretenais deux jeunes
et solides esclaves mâles. Excepté les rares occasions où j’avais besoin d’une
suite, ils restaient auprès de Bethesda, l’un pour l’accompagner dans ses
courses, l’autre pour surveiller la maison durant ses sorties, chacun pour l’aider
et la protéger. Elle avait ainsi à qui commander, ce qui lui plaisait ; le
soir, je réprimai un sourire tandis qu’elle me contait ses doléances et
déplorait les rumeurs qu’elle les imaginait répandre dans son dos.
    Mais les esclaves coûtent cher et sont une monnaie d’échange
pratique, surtout si l’on peut à peine se les permettre. Une offre d’un client,
à une période où j’étais dans la gêne, me convainquit de les vendre. Bethesda s’était
débrouillée elle-même sans incident depuis lors. Par mon incurie, j’avais
failli provoquer la catastrophe.
    Je ne pouvais pas la laisser seule. Si j’engageais un garde
à la journée, serait-elle plus en sécurité ? Les assassins menaçaient de
revenir. Un seul garde suffirait-il ? Ou même deux ou trois ? Et si
je lui trouvais un endroit où se cacher, la maison resterait déserte. De tels
hommes, frustrés de leur proie, étaient capables de mettre le feu à tout ce que
je possédais.
    Bien avant le chant du coq, j’étais réveillé et retournais
ce dilemme dans ma tête. À un moment, je décidai de tout laisser tomber. J’annulai
mon expédition à Ameria. À la première heure, j’enverrais un messager à Cicéron
pour qu’il me règle mes honoraires. À la suite de quoi, je pourrais me
barricader avec Bethesda, faire l’amour toute la journée et déambuler dans le
jardin en me plaignant de la chaleur ; à quiconque frapperait à la porte,
je répondrais : « C’est bon, c’est bon. Je me tais. Que la justice
romaine suive son cours ! Et maintenant, passe ton chemin. »
    Il existe un coq sur ma colline qui se réveille avant les
autres. Je soupçonne qu’il appartient à ma voisine – un coq de la
campagne aux manières rustiques, différent de l’espèce paresseuse d’ici. Quand
il chante, il reste deux heures avant l’aube. Je résolus de me lever à ce
moment pour réfléchir.
    La nature du temps change quand le monde dort. Les instants
se figent ou se dissolvent, comme des grumeaux dans le fromage blanc. Le temps
devient incertain, inégal, élusif. Pour l’insomniaque, la nuit dure
éternellement, ou passe à toute allure. Je restai allongé longuement, à
regarder les ombres au plafond. Incapable de dormir, incapable de suivre les
pensées qui voletaient dans ma tête, en attendant le chant du coq. Cela dura si
longtemps que je finis par me demander si l’oiseau ne s’était pas rendormi.
Enfin son cocorico s’éleva, clair et perçant dans le silence.
    Je me redressai, effaré de constater que j’avais bel et bien
dormi. Un bref instant, je crus avoir rêvé le chant du coq. Mais il recommença
de plus belle.
    À la lumière de nombreuses chandelles, je m’aspergeai le
visage et changeai de tunique. Bethesda s’accordait enfin un repos bien mérité,
recroquevillée sur une paillasse sous la colonnade au bout du jardin – le
plus loin possible de l’endroit où Bast avait trouvé la mort. Elle s’était
entourée de bougies.
    J’allai sur la pointe des pieds pour ne pas la réveiller.
Elle dormait sur le côté, les mains accrochées aux épaules.
    Ses traits étaient reposés et sereins. Une mèche noire lui
balayait la joue. A la lueur des bougies, elle avait l’air d’une enfant. L’envie
me vint de la prendre dans mes bras, de la porter au lit, de l’y tenir bien au
chaud et à l’abri, de dormir, de rêver avec elle, jusqu’à ce que le soleil du
matin nous réveille tous les deux. D’oublier l’imbroglio dans lequel Cicéron m’avait
fourré. Je ressentis une telle vague de tendresse que mes yeux s’embuèrent de
larmes. Ses traits se brouillèrent ; un halo brumeux entoura les bougies
presque consumées.
    C’est une chose, dit-on, de trouver le bonheur avec une
femme libre ; c’en est une autre d’avoir une esclave pour femme. Je me
demandais ce qui était le plus doux ou le plus amer.
    Le coq

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