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Du sang sur Rome

Du sang sur Rome

Titel: Du sang sur Rome Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Steven Saylor
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est repoussé une nouvelle d’or pur. Elle sied à Chrysogonus. Il est
très riche, très puissant, et sans pitié. De plus, il est beau comme un dieu.
    — Tu sembles apprécier le protégé encore moins que le
maître.
    — Ai-je dit que je n’appréciais pas Sylla ? Ce n’est
pas si simple. C’est un grand personnage. L’attention qu’il me porte est
flatteuse, même si c’est inconvenant venant du mari de ma sœur. (Il me coula un
regard en coin, il avait l’air beaucoup plus vieux que son âge.) Crois-tu que Cæcilia
plaisantait ou divaguait quand elle me suggérait de lui faire du charme pour
tirer d’affaire Sextus Roscius ? (Il pinça les narines.) Avec Sylla ?
Tu imagines !
    Nous croisâmes un groupe de sénateurs. Rufus s’arrêta pour
faire la conversation. On lui demandait des nouvelles de ses études ; ils
avaient appris par Hortensius qu’il travaillait à une affaire jugée devant les
Rostres. Rufus était parfait : charmant et serviable, à la fois modeste et
sûr de lui. Cependant je le sentais observateur, critique, comme s’il prenait
ses distances par rapport aux convenances. Cicéron avait bien raison d’être
fier de son protégé ; je me demandais même si les rôles n’étaient pas – Cicéron
prenant des leçons de comportement auprès du jeune noble pour sortir de l’anonymat
de sa naissance campagnarde.
    Rufus continua, comme si nous n’avions jamais été
interrompus :
    — Justement, je suis invité demain soir chez
Chrysogonus. Il habite le Palatin, non loin de chez Cæcilia. Sylla et son
cercle d’intimes y seront ; Valeria, non. J’ai reçu un message du
dictateur encore ce matin, qui m’engage à venir : « Il est temps que
ton éducation d’homme commence. Que ce soit parmi l’élite de Rome. » Le
croirais-tu, il s’agit de ses amis de la scène, tous acteurs, comédiens ou
acrobates ! Ou des esclaves qu’il a fait citoyens, pour remplacer ceux qu’il
a fait décapiter… Mes parents me pressent d’y aller ; Valeria et
Hortensius trouvent que ce serait idiot de rater cette occasion.
    — Moi aussi, fis-je tranquillement, prenant ma
respiration pour commencer l’ascension du Palatin.
    — Et parer les avances de Sylla toute la nuit ?
Pour cela, il faudrait être au moins acrobate ou acteur !
    — Fais-le pour Sextus Roscius et sa défense. Fais-le
pour Cicéron.
    A ce nom, son visage redevint sérieux.
    — Que veux-tu dire ?
    — J’ai besoin d’aller chez lui. Je cherche les anciens
esclaves de Sextus Roscius. Je voudrais les interroger. Ce serait plus facile
si j’avais un ami dans la place. Est-ce un hasard si cette fête coïncide avec
nos besoins ? Une déesse veille sur nous.
    — Fortune, et non Vénus, j’espère.
    — Si c’est la vérité, dis-je en regardant Sextus droit
dans les yeux, si l’histoire de Titus Megarus est authentique, pourquoi nous l’avoir
cachée ?
    Nous étions assis dans la même pièce sordide que la dernière
fois, sauf que Cæcilia Metella nous accompagnait. L’idée que son cher Sextus
ait été proscrit était grotesque, disait-elle. Elle tenait à entendre ce que le
fils de son ancien ami avait à dire sur le sujet.
    Sextus soutint mon regard jusqu’au bout, sans ciller une
seule fois. Je crus voir l’ombre d’un sourire quand il finit par cligner des
yeux. Je commençai à me demander si je n’avais pas affaire à un dément.
    — C’est la vérité, mot pour mot.
    — Pourquoi ne pas en avoir informé Cicéron ?
Avais-tu prévenu Hortensius ?
    — Non.
    — Mais comment ces hommes peuvent-ils te défendre si tu
ne les mets pas au courant ?
    — Je ne leur ai rien demandé. C’est elle, fit-il en
désignant avec insolence Cæcilia Metella.
    — Préfères-tu te passer d’avocat ? coupa Rufus.
Crois-tu avoir une chance, seul devant les Rostres, face à un accusateur tel
que Gaïus Erucius ?
    — Je n’ai pas plus de chances maintenant. Si je leur
échappe au tribunal, ils me retrouveront et arriveront à leurs fins, comme ils
y sont parvenus avec mon père.
    — Pas nécessairement, objecta Rufus. Pas si Cicéron
arrive à dévoiler les mensonges de Magnus et de Capito au tribunal.
    — Pour ce faire, il lui faudrait impliquer Chrysogonus,
n’est-ce pas ? On ne peut pas attraper les puces sans attraper le chien,
ni tenir en main la laisse du maître. Le chien peut mordre, et le maître n’acceptera
pas d’être publiquement mis en cause par un avocaillon.

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