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Duel de dames

Duel de dames

Titel: Duel de dames Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
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moqueur.
    — Cela se pourrait si Son Eminence aux
Bœufs cesse de m’appeler Votre Hautesse ou Votre honorée dame. Gardez-les
pour vos missives et les représentations solennelles. Dans le privé, madame
devrait suffire.
    Nicolette éclata de son rire perlé.
    — Autant lui demander d’oublier de nous
assommer avec ses mille et une merveilles du naturel. Il sait parler aux
plantes, mais pas aux dames, alors à une reine !… Mais je le corrigerai, madame,
juré.
    Et sans plus attendre, Nicolette prit le
franciscain par la main et l’entraîna.
    — Viens, Agreste, je vais te montrer tes
appartements.
    Isabelle les regarda s’éloigner, les pans de leurs
robes volaient au vent de leur course et s’entremêlaient, lui laissant un bref
sentiment de malaise.
    — Ai-je seulement dit qu’il était mon
confesseur ? se courrouça-t-elle en constatant que Nicolette lui forçait
par trop la main.
    — Nicolette te ressemble, Basileia, comme
frère Agreste ressemble à Jean la Grâce.
    — Te voilà de retour, Zizka ?
    — Tu m’ennuyais avec ton alchimiste, et j’avais
à faire ailleurs.
    — Moi aussi, j’ai à faire ailleurs, Christine
de Pisan m’attend, bougonna-t-elle en se mettant à marcher d’un pas vif.
    — Jean la Grâce parlait souvent par
métaphores et te donnait des conseils de jardinier. Il tirait sa sagesse de
Dame Nature.
    Elle monta deux à deux les marches moussues du
perron, en retroussant ses jupes, emportée par la colère.
    — Il ferait beau voir que je confesse mes
crimes à ce moinillon !
    — Tu n’as tué personne, mais tu as donné la
vie. De quoi veux-tu te confesser ? Ne sais-tu pas que Jean la Grâce
intercède pour toi ?
    Isabelle s’arrêta sous le porche de son hôtel, à
bout de souffle. Elle réalisa qu’elle venait de grimper les degrés comme le
faisait souvent Nicolette.
    — C’est le duc de Berry qui te
recommande Pierre aux Bœufs, lui souffla encore Zizka, mais c’est Jean la Grâce
qui te l’envoie.
    Alors qu’elle restait frappée par ces derniers mots,
elle sentit qu’il était parti. Le silence ne lui renvoyait plus que le
pépiement des oiseaux qui saluaient la promesse du renouveau qu’annonçait ce
pâle soleil d’hiver.
    *
    Assise sur le lit d’apparat de son grand retrait, Isabelle
tournait avec précaution les pages de vélin du dernier ouvrage de Christine de Pisan : Épître au Dieu d’Amours.
    — Les enluminures en sont admirables, murmura
la reine.
    — Elles sont de Daniel de Chevreuse, dit
la poétesse en rougissant de plaisir, un élève de Nicolas Flamel. Le maître dit
de lui qu’il a les doigts d’un ange.
    « Daniel de Chevreuse, songea Isabelle, n’est-ce
pas l’espion que, avec mon frère, nous avions placé dans l’atelier de Nicolas ? »
Ainsi, ce dernier opérait bien des miracles pour avoir fait de ce vaurien
ambitieux un grand artiste.
    — Et comment va maître Flamel ? s’enquit
la reine.
    — Il a bien vieilli depuis la mort de dame Pernelle,
dit Christine en s’assombrissant. Il se distrait de son chagrin en faisant
construire deux arcades supplémentaires dans la galerie du charnier des
Innocents [83] .
Il compte les enluminer d’une danse macabre de toute beauté. J’ai eu l’honneur
d’en admirer les épreuves. Daniel de Chevreuse est requis, entre autres, pour
ce bel ouvrage.
    Isabelle referma le livre et caressa rêveusement
la couverture de cuir fauve repoussé, ornée de fermoirs d’or incrustés de
pierreries.
    — Nous recevons benoîtement ce précieux livre,
dit-elle avec une soudaine solennité. Il sera l’ornement de ma librairie.
    Christine rougit à nouveau de plaisir et enchaîna
avec son bavardage intempestif habituel.
    — Il expose moult piteuses plaintes de par
toutes dames, damoiselles, gentilles femmes, bourgeoises, pucelles, navrées par
les faux amants et par ceux qui font métier de médire contre elles. Car enfin, batailles,
meurtres, pillages et viols sont le fait des hommes. Tandis que nous autres, femmes,
ne cherchons qu’à apaiser, consoler, soigner et réconcilier, car notre nature
de femme est débonnaire. Puisse ma dite œuvre ne pas rester vaine, mais copiée
en maints exemplaires, et demeurer sans dépérir.
    — Je n’aurai de cesse de l’avoir lu pour que
nous débattions ensemble d’honneur chevaleresque et d’amour courtois. Voilà qui
nous passera le temps plus gracieusement que la pestilence et les tristesses du
siècle qui vient

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