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Duel de dames

Duel de dames

Titel: Duel de dames Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
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pas vierge au jour de ses noces, et les atermoiements du
seigneur de Milan à consentir à la marier en disaient long, il ne l’avait
cédée qu’à contrecœur, dans l’espérance qu’elle fut reine de France ; et
sa détestable notoriété avait fait le reste. Capucine s’approcha et noua ses
bras courtauds autour du cou de Valentine, il ne s’était pas trompé. Il se mit
à la bercer tout en lui parlant doucement.
    — Tout lui était prétexte à te punir, n’est-ce
pas ? Alors qu’il n’assouvissait que son odieux désir pour sa fille. Il
savait bien que c’était mal, mais tu étais si gracieuse jouvencelle. Tu étais
la tentation, et il t’en corrigeait dans son acte abominable pour s’en absoudre.
    Valentine secouait la tête en gémissant toujours, horrifiée
de ce que Capucine avait compris.
    — Il y a pis, se lamenta-t-elle.
    — Que peut-il avoir de pis dans l’inceste ?
    — En grandissant, j’y pris plaisir.
    — Et tu ne sais du plaisir que la violence
qui te fut faite.
    — Le plaisir est péché.
    — Dieu a dit : « Croissez et
multipliez. » Sans la jouissance, ce ne serait qu’un vœu pieux.
    — Tu déparles, Capucine !
    — Eh bien, ne jouis plus, duchesse, répondit-il
en plaisantant. Mais laisse ton époux jouir de toi dans la douceur et la
tendresse. Il est des jeux ineffables, n’aie crainte de les lui prodiguer sans
réserve. Alors il te fera un fils, et ce sera l’enfant de l’amour.
    — Me désire-t-il encore seulement ?
    — Comment ne pas te désirer ? Tu es
belle et je te sais être délicieuse, quand tu oublies d’être possessive.
    Elle était aussi arrogante et ambitieuse, et cela
lui attirait bien des inimitiés parmi ceux-là mêmes qui l’étaient tout autant, si
ce n’était pire.
    — Tu sembles bien au fait de… de… ces choses,
sourit enfin Valentine en s’exprimant avec difficulté.
    Il était étonnant qu’elle fût si prude et si
sensuelle en même temps. Il était certain qu’elle ne conversait jamais de ces « choses »
avec ses femmes, et encore moins avec ses messieurs.
    — Tu serais surprise de savoir combien de
belles dames me font l’honneur de leurs faveurs, lui répondit-il. Les nains ont
une étonnante réputation.
    — Et quelle est-elle ?
    — Je ne te le dirai point, de peur de tenter
ta sourcilleuse morale.
    — Mais… comment dois-je faire ?
    Il lui parla alors longtemps des doux plaisirs de
la chair, jusqu’à la remplir de confusion.
    — Et maintenant, lève-toi, belle dame, arrange
ta figure et tes cheveux, et atourne-toi. Il faut te sentir belle à recevoir
ton époux, et accroche un suave sourire à tes lèvres en même temps que ton
baume vermeil.
    Valentine se leva, essuyant ses yeux. Il lui
semblait qu’un poids venait de lui être ôté.
    — Laisse-moi seule à présent, Capucine. Tu es
de bien vilain conseil, mais je crois qu’ils sont bons. Dis à mes chambrières
que je les attends.
    Capucine la quitta en faisant un double soleil, avant
d’atteindre la porte qu’il franchit en chantonnant :
    —  Elle savait se faire belle, si belle,
    Comme nulle autre belle pareille.
    Elle sourit. Le fou lui avait fait prendre
conscience qu’elle avait soif de tendresse, d’en donner comme d’en recevoir de
son époux. Elle saurait l’attendre, apprêtée et plaisante, le temps qu’il
faudrait, et lui prodiguerait consolations en place de récriminations. Qu’importait
la raison pour laquelle il avait quitté le bal, mieux valait ne pas le savoir. Elle
saurait le caresser et ne plus se montrer contraire, afin qu’il lui revienne
plus promptement que chien battu.
    *
    Ce soir-là, il fut délibéré avec le roi et les
princes des Fleurs de lys comment effacer le scandale et le mécontentement
populaire. Dès le lendemain, Berry, Bourgogne et Orléans firent une procession
expiatoire de la porte de Montmartre à la cathédrale Notre-Dame pour y entendre
la messe. Ils avançaient, pieds nus, et l’on vit combien ils souffraient tant
la température était glaciale. Ils en seraient quittes pour de cruelles
engelures. Ils marchaient de front en priant, suivant l’évêque de Paris en
grand accoutrement de crosse et de mitre, et les chantres en aube blanche. Catherine
de Fastavavin aurait pu en sourire à les voir : n’était-ce pas le
juste retour des choses ? Car c’étaient les oncles qui l’avaient
contrainte, avec ses compagnons, à s’écorcher les pieds sur les cailloux et

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