Eclose entre les lys
de bon conseil. Louis avait également profité de la
chevauchée jusqu’à Lille pour se rapprocher de Frédéric de Bavière. L’oncle
d’Isabelle s’était laissé complaisamment questionner sur sa nièce. Si bien que
le jeune duc pensait en connaître suffisamment sur la reine pour savoir lui
complaire. Aux mille manières qui pouvaient lui ouvrir les portes de son cœur, il
en était une que Frédéric lui avait innocemment suggérée en lui racontant la
passion d’Isabelle pour les oiseaux. Tout particulièrement pour son épervier
Autan, resté en Bavière, et qu’elle regrettait si fort. Ainsi, dès son retour, il
avait confisqué un épervier à son fou, le nain Capucine, et l’avait offert à
Isabelle. Elle en avait pleuré de bonheur. Il avait fallu lui promettre de l’essayer
au lâcher dès le lendemain, à la première heure. Et ce matin, jamais encore il
n’avait vu Isabelle aussi radieuse.
Celle-ci scrutait toujours le petit bois dans l’espoir
d’en voir revenir Volauvent se poser docilement sur son poing. Elle finit par
se lasser et haussa les épaules :
— Tu as raison, lança-t-elle à son beau-frère,
ce n’est qu’une buse !… Rentrons sans lui.
— Faisons la course jusqu’à la poterne du
château, défia Louis de sa voix de fausset.
— Je gage que j’y serai la première, acquiesça-t-elle
en éclatant d’un rire enchanteur, ivre de vie ; et elle talonna sa jument
qui partit d’un puissant coup de reins.
Louis poussa un grand cri de joie et se mit à sa
poursuite. Isabelle chevauchait sa monture à la manière des hommes. Le jeune
duc d’Orléans, une fois de plus, admira son ardeur. Il était peu courant que
les femmes allassent ainsi, c’était contraire à la réserve qui sied à leur sexe.
Elles devaient se tenir assises de côté, jambes jointes sur le flanc gauche du
cheval, le torse tourné bien droit vers l’avant. Mais la petite reine se
voulait en liberté, comme en sa Bavière. Elle s’était chaussée ce matin-là de
heuses de cuir fauve, montant jusqu’à mi-cuisse sur un haut-de-chausse, et pour
la décence, elle portait un long bliaut lacé étroitement jusqu’à la taille, fendu
devant et derrière. C’est dans cet accoutrement de petit page qu’elle avait
rejoint le prince dans la cour basse où se tenaient les écuries du château, alors
que l’aube pointait.
— Nous ne sommes pas à la parade, nous allons
courre l’épervier ! s’était-elle alors exclamée devant l’air surpris de
Louis. J’ai eu mon soûl de cérémonies. Laisse-moi à mon aise, gentil beau-frère.
Nous ne sommes qu’entre nous.
Car de cette escapade, ils n’avaient prévenu
personne. Pas même le capitaine de la garde personnelle de la reine, nouvellement
nommé par le roi avant son départ : le sieur Louis de Bois-Bourdon, seigneur
de Graville, sénéchal du Berry.
*
Volauvent regardait de son œil rond les deux jeunes
cavaliers qui s’éloignaient, se poursuivant à un train d’enfer. Juste sous les
branches du chêne où il se tenait, dans l’ombre du petit bois, trois hommes, à
haubert et bassinet noir, les observaient aussi, à travers la fente menaçante
de leur heaume.
*
Dans l’embrasure de la fenêtre de la salle du Petit
Conseil, à demi couché sur le banc de pierre, les jambes étendues, bras croisés
sur son pourpoint à larges manches bouillonnées, Bois-Bourdon avait le regard
fixe, froid, poli comme de l’acier. Il semblait ne pas voir au-delà des
remparts crénelés les coteaux de Nogent qui annonçaient la forêt royale de
Vincennes. Sa fureur était immense. Elle n’avait d’égale que sa peur qui
sourdait de plus en plus fort au creux de son ventre.
La reine était sortie seule et sans garde, avec
son jeune beau-frère, faisant fi du capitaine de sa garde personnelle. Dès qu’il
l’avait appris, il avait envoyé sur-le-champ une estafette pour patrouiller à
leur recherche, mais celle-ci était rentrée bredouille. Aveugle de colère et d’inquiétude,
il ne prêtait aucune attention au débat qui se déroulait à ses côtés.
— La grande armée avait des tâches plus
urgentes que d’aller mettre le siège devant la poignée de Gantois sise en la
ville de Damme, s’indignait le conseiller Bureau de la Rivière. La
Provence s’est soulevée et les hostilités avec l’Anglais ont repris en Guyenne.
Bureau de la Rivière avait l’ampleur de
la voix des gens qui ont l’habitude d’avoir l’oreille
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