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Eclose entre les lys

Eclose entre les lys

Titel: Eclose entre les lys Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
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le toisant avec dédain.
    Elle rompit, et, passant devant lui à le frôler, elle
souffla plus bas, pour leur seul entendement :
    — Garde ta sauvegarde, Bourdon, il est trop
tard !
    La haine palpable d’Isabelle fit frémir le
chevalier. À la sauver du roi, il avait failli. Elle ne lui pardonnait pas.
    Elle s’élança sur les premières marches qui
menaient au logis de la reine, alors qu’apparaissait Ozanne de Louvain au
premier tour de l’escalier à vis.
    — Grâce soit rendue à Dieu ! Vous êtes
sauve, madame.
    Isabelle ne prit pas le temps de lui répondre, elle
la bouscula et s’élança dans les escaliers où elle disparut.
    Ozanne resta immobile, légèrement essoufflée, comme
accablée. Le viol de la reine, sa propre forfaiture, tout était resté secret. La
vieille duchesse de Brabant, vaincue et malade, était retournée dans son
douaire qui ne lui appartenait plus. Et Ozanne avait été confirmée première
dame d’honneur de la reine, un honneur qu’elle portait comme un exténuant
fardeau, tant elle ne pouvait oublier son crime.
    Elle croisa les yeux du sire de Graville où
elle lut tout le mépris qu’elle lui inspirait, qu’elle s’inspirait à elle-même.
Elle se détourna et remonta lentement les marches.
     
    — Eh bien, messire de Bois-Bourdon, demanda
Orléans qui s’était ressaisi, pouvez-vous m’expliquer ce brusque déploiement de
forces au château de Beauté ? Une armée se propose-t-elle de nous assiéger ?
    — Il se peut, monseigneur ! On m’a
signalé une bande de routiers dans les environs.
    — Voilà qui est commun à toutes nos provinces.
    — Il s’agit des Têtes-Noires !
    Louis resta quelques secondes sidéré.
    — Bigre !… La meute du fameux Geoffroy
Tête-Noire ? Celui dont on parle aux veillées pour faire peur aux enfants ?
    — Celui-là même, monseigneur.
    — Il a fait du chemin ! On le disait aux
confins du royaume.
    — Il est ici.
    Cela parut faire plaisir au prince.
    — Eh bien, il faut que je m’arme ! Le
roi mon frère m’a recommandé la reine, et je lui dois ma protection. Nous
allons mobiliser nos hommes et écraser cette vermine.
    Sur ce, il sortit à grands pas décidés pour
rejoindre son propre logis qu’il partageait avec le cardinal de Laon. Bois-Bourdon
se déraidit brusquement avec un bref soupir. Comme tous les Valois, comme tous
ces preux chevaliers, comme le roi, Louis d’Orléans avait cette morgue insensée
qui poussait toujours à l’exploit pour éblouir. Il n’était qu’eux de valeureux,
ignorant la dangerosité de ces basses gens qui n’avaient que leurs révoltes
décharnées comme armes, et la nécessité qui les poussait jusqu’au génie du mal.
    *
    Isabelle se tenait adossée contre la muraille, près
de l’entrée masquée par une tapisserie, qui donnait accès à ses appartements. Son
cœur battait à tout rompre. Ce lâche, à présent capitaine de sa garde, lui
rappelait trop son malheur. Elle ferma les yeux.
    Cette affreuse nuit, où elle était au paroxysme de
la terreur, il y avait eu les bras de Bois-Bourdon où elle s’était jetée, la
chaleur de son étreinte, la force et la douceur de cet enveloppement, de cet
abri. Elle était sauvée. Ce fut sa certitude en ressentant, serrée contre sa
poitrine, un feu intense l’envahir, l’immense soulagement de la sécurité. Mais
tout aussitôt, Bourdon l’avait rejetée derrière lui. Elle était sur le froid
dallage, tombée, abandonnée, l’épouvante l’avait reprise tandis que deux ombres
s’affrontaient. Alors elle avait vu le sire de Graville tomber à genoux
devant son roi, soumis. Des hommes d’armes s’étaient saisis d’elle et l’avaient
emportée…
    Elle chassa de toutes ses forces ce souvenir
intolérable, repoussa la tenture avec emportement, et se rendit droit dans son
garnement, vaste pièce réservée à ses atours et bijoux, où elle savait trouver
Catherine qui travaillait à des rangements.
    — Je le ferai mettre aux fers, à fond de cave,
à fond de galère. Je hais cet homme ! Je le hais ! hurla-t-elle en
entrant.
    — Ah, enfin te voilà ! dit son amie d’enfance
en accourant. Le sire de Bois-Bourdon était fou de rage quand il a appris
ta sortie…
    — Ne me parle pas de ce Bourdon ! Ce
débauché, qui me donne des ordres !
    Elle était ivre de colère. Graville venait de l’humilier,
lui qui l’avait laissée à son martyre, à la violence de son souverain.
    — Et pour

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