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Eclose entre les lys

Eclose entre les lys

Titel: Eclose entre les lys Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
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des rois. Il était
pourtant menu, perdu dans une ample houppelande de chambre, le visage étroit et
parcheminé, mangé par un énorme chaperon.
    — Mais la Flandre prime aux yeux de mon frère
le Hardi, renchérit le duc de Berry aux propos du conseiller.
    Il avait mis dans ce trait son habituelle nonchalance
railleuse. Croisant l’œil hautain et réprobateur de la duchesse de Bourgogne,
qui remplaçait toujours son époux au Conseil lors de ses absences, il inclina
légèrement la tête dans sa direction.
    — Belle-sœur, ajouta-t-il, je ne rends compte
ici que de l’intérêt que porte mon frère votre époux à vos États flamands.
    — Beau-frère, il s’agit moins de mater Damme
que d’empêcher la ruine de tout l’effort maritime français. Damme et ses
garnisons gantoises sont une porte ouverte aux Anglais sur le port de l’Écluse
où se trouve le plus gros de la flotte. Dois-je vous le rappeler ici comme à
chacun ?
    Tous concernés par ce rappel à l’ordre, ils se
turent. Berry sourit, Marguerite était pertinente. Mais plus encore, elle était
droite et directe.
    — Revenons à ce qui nous amène en ce Conseil,
reprit Bureau de la Rivière, rompant le silence. Les caisses royales
sont vides. Les dépenses de guerre sont énormes, sans compter ces gigantesques
préparatifs du débarquement d’Angleterre. Nous avons déjà lancé des emprunts obligatoires…
    — À fonds perdus, coupa le Camus, et le
bourgeois regimbe.
    — Certes, monseigneur, et quant au petit
peuple, il est exsangue. Ce n’est guère le moment de susciter des révoltes en
levant de nouveaux impôts. Reste l’Église !
    Tous les regards se portèrent naturellement sur le
cardinal de Laon qui n’avait pas encore ouvert la bouche, l’air préoccupé.
Jusqu’ici, le raffiné prélat n’avait guère montré d’enthousiasme à se rendre en
Avignon quémander des subsides au pape Clément VII.
    — L’expédition de Damme doit soumettre une
fois pour toutes la ville de Gand, et la mettre sous obédience du vrai pape, argumenta
Bureau de la Rivière face au mutisme du cardinal. Tant que les États
du nord en tiendront pour le pape de Rome, ils en tiendront pour l’Angleterre. Il
faut faire valoir à Sa Sainteté Clément VII qu’il se doit de financer
cette… « croisade clémentine » en Flandre.
    Le duc de Berry se mit à glousser dans son
triple menton :
    — Que ce prétexte religieux sert
magnifiquement les entreprises de mon cher frère. (Il croisa à nouveau le
regard impérieux de la duchesse.) Mais bah ! laissons cela. Clément est
munificent lorsqu’il s’agit d’assurer sa tiare sur son crâne pelé. Je souscris
volontiers à votre proposition, monsieur le conseiller. D’ailleurs, il veut
encore écraser l’Église française d’un nouvel impôt, il est juste qu’il nous en
rende une part. Du grain en silo évite famine !
    Il se retourna vers Pierre Aycelin de Montaigu
avec son air d’ineffable ironie.
    — Quand partez-vous, Votre Éminence ?
    Le cardinal n’avait plus le choix.
    — Au plus tôt ! Mais souffrez que j’attende
la délégation hongroise.
    On souffrit. Il ne s’agissait pas moins que du
mariage de Louis de France. La reine de Hongrie-Pologne offrait sa fille Marie
en mariage au duc d’Orléans, avec la Hongrie en dot.
    Les tractations s’étaient faites dans le plus
grand secret, et venaient heureusement d’aboutir. Le roi, soucieux d’apanager
son jeune frère comme doit l’être un prince de sang, rêvait pour lui d’une
couronne : celle de Hongrie était prestigieuse et ferait l’affaire. Quant
au duc de Bourgogne, qui craignait les ambitions du jeune prince, il était
ravi de l’occasion d’envoyer ce dernier au diable Vauvert, dans son lointain
royaume, et de s’en débarrasser à si bon compte ; sans compter l’intérêt d’étendre
l’influence française jusqu’aux rives du Danube.
    Un chevaucheur était donc arrivé dans la matinée à
Beauté, porteur d’un acte qui scellait le contrat des fiançailles de Louis de
France et de Marie de Hongrie. Il précédait les ambassadeurs attendus au
château dans les trois jours. C’était une affaire qui avait été rondement menée.
Il s’agissait à présent de prévenir le duc d’Orléans. En tant que précepteur, c’était
le cardinal de Laon qui devait s’en charger. La chose ne serait peut-être
pas aisée. Une couronne aurait-elle le pouvoir d’éloigner le prince

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