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Elora

Elora

Titel: Elora Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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potence, j’avoue que j’attendais mieux de notre vieille amitié.
    — Elle m’indiffère. Tout m’indiffère désormais à part te trouer le ventre.
    Enguerrand sentit la colère l’emporter. Il resserra ses poings sur la serviette souillée.
    — Mais, mordius, que t’ai-je fait ?
    Mathieu le foudroya d’un regard de naufragé.
    — Tu as tué mon fils, ne crois-tu pas que ce soit assez ?
    Enguerrand demeura bouche bée. Mathieu développait. Petit Pierre laissé en lisière du bois, endormi. L’attaque. Son angoisse à l’imaginer mort. Sa fuite dans le seul but de vérifier. Et puis son emprisonnement ici, le mettant dans l’incapacité de le sauver de la prison. De la potence. Enguerrand qui s’était rapproché au fil des secondes, se laissa choir sur le lit. Bouleversé. Mathieu avait la voix brisée.
    — Si je ne m’abuse, cela fait vingt jours que l’embuscade a eu lieu.
    — Dix-neuf, rectifia Enguerrand.
    — Dix-neuf, répéta Mathieu en haussant les épaules. Connaissant l’empressement du prévôt et la rancœur des familles de ceux que nous avons violentés, c’en est fini. Ils sont pendus.
    Enguerrand ne pouvait le détromper. Mieux qu’un autre, il connaissait les manières expéditives de Luirieux.
    — Je suis navré, Mathieu. Si Fanette m’avait dit, pour Petit Pierre…
    Mathieu se troubla plus encore.
    — Fanette ?
    — C’est à la Bâtie qu’elle est venue se réfugier.
    De nouveau, cette fureur dans le regard de Mathieu.
    — Et tu n’as rien trouvé de mieux que de l’escorter chez le prévôt, je présume.
    La joue en sang, Enguerrand pressa de nouveau la serviette sur son arcade éclatée. Il n’eut pas le temps de rétorquer qu’on toquait à la porte. Un valet parut, chargé d’un plateau. Indifférent au silence retombé entre les deux hommes, il le déposa sur les genoux de Mathieu, s’inclina, souhaita un heureux appétit et disparut sans s’attarder.
    Dans un plat qui voisinait avec un pichet de vin, deux cuisses de poularde entourées de navets baignaient dans un jus épais. Enguerrand se leva, approcha une petite bassine emplie d’eau de rose. Le malandrin y trempa sa main unique, l’essuya.
    — J’ai beaucoup à te dire, Mathieu, mais mieux vaut que tu reprennes des forces pour les entendre. Demain si tu veux bien.
    Du temps qu’il reposait les ustensiles, Mathieu empoigna la viande comme il l’aurait fait d’une épée, la pointa dans sa direction.
    — Demain, je te tuerai.
    Enguerrand hocha la tête, gagna la porte d’un pas lourd, l’ouvrit. Il se retourna sur le seuil pour le regarder, voracement, arracher un morceau à pleines dents. La détresse de son ami le plombait autant que la sienne réveillée par le manque de Mounia. Qui mieux que lui pouvait comprendre le prix d’une vengeance ?
    — Si cela peut nous permettre à toi et à moi de trouver la paix, je ne ferai rien pour l’empêcher, lui laissa-t-il à méditer.
    *
    C’était un grand jour pour Djem. Le meilleur qu’il eût connu depuis longtemps. Le jour de sa liberté retrouvée. Certes, il était encore tenu par les accords passés entre le pape et le roi Charles, mais ce n’était qu’une formalité. S’il s’échappait, César Borgia qui les accompagnait ne pourrait que témoigner de sa rouerie naturelle et innocenter le monarque. Alexandre VI n’aurait alors d’autre choix que de relâcher les seigneurs français qu’il avait exigés en otages. La suite des événements dépendrait de Charles, mais ce dernier lui avait assuré qu’il l’aiderait, lui, quoi qu’il advienne, à récupérer son trône. Djem était confiant en sa parole. Il n’avait plus que des amis ce jourd’hui, empressés de le dégager de l’emprise des Borgia. Il se dressa encore sur son destrier.
    Du haut de la loge de la bénédiction qu’il avait gagnée après l’avoir chaleureusement embrassé, le pape dardait sur lui son œil fourbe. Pensait-il à la possibilité de le perdre, en cet instant ? Ou se réjouissait-il simplement de voir le cortège s’ébranler ?
    Peu importait en vérité au prince. Tout en lui pétillait d’espoir et de félicité. Ses fidèles Nassouh et Sinan Bey l’encadraient, de même qu’Hélène sous le nom d’Anwar. Le roi avait abandonné César aux bons soins des cardinaux della Rovere, Colonna et Savelli en tête du convoi et se tenait en retrait, juste devant Djem, encadré par Jacques de Sassenage, Aymar de Grolée, Jean de

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