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Elora

Elora

Titel: Elora Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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étaient seuls ainsi que l’un et l’autre le souhaitaient.
     
    Depuis fort longtemps, Alexandre VI prônait l’art du mensonge comme une vertu. L’Église du Latran elle-même reposait sur ce principe. Prêter à Dieu la parole des hommes. Mais il avait appris aussi qu’en certaines et rares circonstances, mieux valait étaler franchement des cartes pour protéger ses atouts.
    — Accompagnez-moi, voulez-vous, j’aimerais vous montrer quelque chose, dit-il avec affabilité en la relevant.
    Elora se laissa entraîner par cette main moite vers une petite porte basse qu’il déverrouilla. Un couloir tout en longueur formait cloître devant eux. Ils l’empruntèrent dans un silence profond, seulement troublé par le martèlement de leurs chaussures sur le marbre et par le ruissellement d’une fontaine qu’Elora aperçut au-delà des arcades.
    Sans davantage d’explications, Alexandre VI déboucla une nouvelle serrure et s’effaça pour la laisser entrer. La chambre somptueuse qui s’ouvrit devant elle offrait au plafond une nuée d’étoiles et sur les murs une vision merveilleuse du paradis. Un lit en occupait le centre.
    Elora ne s’en offusqua pas. Se tournant vers lui, elle lui adressa un sourire moqueur.
    — Curieux endroit pour une confession, Votre Sainteté…
    Il en convint d’un signe de tête avant de se diriger vers une des fresques au centre de laquelle, à hauteur d’homme, un œil gigantesque dardait sur le monde un faisceau de lumière. Répondant à l’appel de sa main tendue, Elora l’y rejoignit et appliqua sa prunelle contre l’ouverture.
    Le prince Djem, de l’autre côté, tenait sur ses genoux un valet au cul dénudé et tous deux s’accordaient d’un mouvement de reins particulièrement explicite. Elora s’écarta, autant par pudeur que par respect. Tandis que le pape rabattait un clapet de bois peint sur l’œilleton, elle rejoignit la fenêtre et s’appuya d’une épaule contre le montant. César Borgia traversait la cour avec son homme de main, Michelotto, mais l’épaisseur du verre lui vola leur conversation, visiblement animée.
    — Auquel de vos enfants avez-vous donné cette information ? demanda-t-elle.
    Le pape qui l’avait rejointe la couvrit d’un œil faussement marri.
    — Vous me jugez bien sévèrement, ma fille. Le prince Djem n’est pas mon ennemi. Quel intérêt aurais-je à le mettre dans l’embarras ?
    Elora le toisa avec froideur.
    — Le même que celui qui vous fit accepter l’argent de son frère le sultan, ainsi que son soutien contre le roi Charles, peut-être.
    Alexandre VI se troubla. Cette petite garce était moins ingénue qu’elle n’y paraissait.
    — Vous vous égarez…
    Elora se mit à rire. Il était temps pour elle de reprendre l’avantage.
    — Pas autant que votre envoyé en Istanbul, Giorgio Buzardo. À l’heure où nous conversons de si jolie manière, il vient d’être capturé à Sinigaglia en possession de lettres fort compromettantes et d’un ambassadeur turc. Je crains que votre rival, le cardinal Julien, n’empoche à votre place les quarante mille ducats de la pension de Djem. Ducats qui auraient été plus utiles à votre armée qu’à la sienne, ne trouvez-vous pas ?
    Pas un seul des muscles du visage d’Alexandre VI ne bougea, et Elora dut lui reconnaître une belle maîtrise de lui-même. Mais à cela aussi elle était préparée. C’était la principale caractéristique des Borgia.
    — Quel talent d’affabulation, mon enfant !
    Une pointe d’agacement. Elora éclata d’un rire frais.
    — De divination serait plus juste, Votre Sainteté.
    Cette fois, la colère empourpra les traits d’Alexandre VI.
    — Ne blasphémez pas ma fille.
    Elle se dressa devant lui, releva le menton avec défi.
    — Le Vatican lui-même est devenu blasphème.
    La gifle partit, s’imprima avec violence sur la joue d’Elora, griffant sa lèvre. Elle l’accusa d’un mouvement de nuque, mais ramena aussitôt vers lui ses yeux à la limpidité du péridot. D’une langue gourmande, elle effaça la goutte de sang qui perlait et se plaqua contre lui.
    — Tu veux ma virginité, vieux porc, je te l’offre. Mais ne t’y trompe pas. Tu ne jouiras pas de moi. Personne ne peut jouir de moi. Et tu sais pourquoi ? Parce que je suis le diable et que le diable obtient toujours ce qu’il veut mettre en croix.
    *
    Mathieu se trouvait au début de la galerie, à l’endroit même où Bertille et Petit

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