Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Elora

Elora

Titel: Elora Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
Vom Netzwerk:
sûr, dans ton état présent, tout cela t’indiffère, n’est-ce pas ?
    Elle gagna la porte, se retourna sur un sanglot. Pour la première fois de sa vie, Rodrigo Borgia devenu Alexandre VI implorait une femme. Elora tendit son index vers lui. Il se cabra sur la couche, les mains broyant les draps, le vit démesuré. Il explosa en une gerbe de semence qui lui arracha un hurlement de damné. Elle attendit qu’il retombe, anéanti par cet orgasme improbable, inimaginable, pour répéter d’une voix sépulcrale :
    — N’oublie pas, Rodrigo. Le diable obtient toujours ce qu’il veut mettre en croix.
    L’instant d’après, elle n’était plus là.

13
     
    Khalil était enfant de bohémiens. Du plus loin où portaient ses souvenirs, les chaos de la route avaient bercé son enfance, et ce qu’il savait du monde parcouru sans relâche dans la roulotte de ses parents, c’était qu’il leur appartenait, puisque les villes et les villages dans lesquels ils s’arrêtaient leur payaient tribut. Malgré leurs mines misérables, leurs animaux dressés et leur réputation houleuse, on les autorisait à monter campement où bon leur semblait et à circuler librement.
    Depuis qu’ils s’étaient arrêtés à Rome pourtant, le garçonnet d’une dizaine d’années, bien que d’une corpulence déjà impressionnante, se voyait confronté à un changement radical d’attitude. Il en avait eu la preuve trois jours plus tôt, quand il avait été agressé par la bande de gueux qui en voulaient à la bourse rebondie gagnée dans la journée avec les pitreries de son singe. Personne n’aurait eu l’idée de le voler jusque-là, par crainte des représailles qu’impliquaient les lettres de protection détenues par son grand-père, le noble Nycola, comte de petite Égypte Sarrazin, et signées par le duc d’Allemagne et l’empereur de Bohême.
    Son grand-père, Khalil ne l’avait pas connu. Tout ce qu’il en savait lui venait de Nycola le jeune, son propre père, qui, reprenant le flambeau, commandait leur troupe de cinq familles. À la veillée qui rassemblait leur communauté, Khalil pouvait rester des heures à se bercer des chants, de la musique des guitares et des danses chaloupées des femmes dont les jupons frangés semblaient vouloir s’envoler. Tandis que le feu crépitait à la faveur de l’air et de la poussière qu’elles soulevaient au rythme de leurs pieds nus cerclés de grelots, Khalil s’évadait, plus loin qu’il n’était allé encore. Vers l’Inde et cette province du Sindh, luxuriante et généreuse, que son père décrivait comme le berceau de leur peuple. Souvent, la nuit, Khalil rêvait qu’il s’y rendait, chevauchant à cru avec d’autres, dont les visages restaient cachés. Au bout de la course pourtant, l’un d’eux lui apparaissait, celui d’une femme dont la beauté farouche, la peau mate et les grands yeux noirs emplis d’amour le bouleversaient.
    Pour l’heure, un autre visage le hantait. Celui de l’ange qui l’avait sauvé dans la ruelle, réparant sa blessure dans une lumière divine. Il s’était bien gardé de mentionner sa présence, justifiant la perte de son gain par la course qu’il avait été obligé de prendre pour se protéger. Son père avait tempêté contre cette ville immorale et ce pape qui tardait à le recevoir, avant de se signer pour chasser le blasphème. Khalil savait combien étaient précieuses pour leur communauté de nouvelles lettres de protection. On regardait avec de moins en moins de bienveillance celles de son grand-père, leurs signataires étant, comme lui, morts depuis longtemps. Mais depuis deux mois qu’ils étaient en ville, réfugiés derrière la chapelle du Latran, ils n’avaient reçu que des promesses. Rien de concret, pas même les vingt florins que le Vatican s’était engagé à leur donner.
    De semaine en semaine, la situation se dégradait.
    C’est la raison pour laquelle, le cœur battant déraisonnablement dans sa poitrine, il suivait depuis trois jours et de la manière la plus discrète qui soit tous les déplacements de cette fille qui l’avait sauvé. Khalil n’avait aucun doute là-dessus. Si cet ange réincarné, auquel le Vatican ouvrait les portes, avait volé jusqu’à lui, c’était pour l’aider à obtenir ce que son peuple désirait.
     
    Elora s’amusait beaucoup de ce jeu de cache-cache, où le jouvenceau détalait à toutes jambes pour ne pas perdre de vue la litière dans laquelle elle

Weitere Kostenlose Bücher