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Elora

Elora

Titel: Elora Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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était montée. D’une grande agilité, il se faufilait à travers la population crasseuse qui emplissait les rues, repoussait les appels et les attouchements des putains comme des prêtres, évitait les malfaisants et sautait régulièrement par-dessus les immondices que chats, chiens errants et miséreux se disputaient. Elle lui aurait volontiers ouvert sa portière pour le laisser monter, mais cela n’aurait pas été du goût d’Aymar de Grolée ni du baron Jacques. Depuis qu’Elora était ressortie du cabinet du pape en leur affirmant sans autre explication que l’affaire était réglée, ils craignaient tout et son contraire. Il aurait sans doute suffi à Elora de leur raconter pour qu’ils soient convaincus qu’elle ne craignait rien, mais elle savait qu’ils auraient été profondément choqués. Rien en elle jusque-là ne les avait préparés à semblable perversité. Elle n’en avait pas usé par plaisir, encore moins par nature. Elle était seulement capable de s’adapter à l’ennemi qu’elle rencontrait. Difficile de le faire entendre à ces deux hommes qui, malgré son apparence d’aujourd’hui, voyaient en elle une fillette de onze ans. L’âme d’Elora était pétrie de centaines de milliers d’années. Mais cela, elle seule le savait.
    Les cris du singe lui parvinrent à travers la porte pleine de la litière, suivis des hurlements d’un maraîcher. Elle étouffa un rire. Longeant le Tibre, ils approchaient du vieux pont qui permettait l’accès au château Saint-Ange. Chaque jour, à cet endroit, le même rituel se produisait. L’animal chapardait une pomme à l’étalage et son maître devait courir plus vite. Les pensées d’Elora s’envolaient alors vers le castel de Bressieux et vers Mayeul qu’elle y avait laissé. Son compagnon de jeux lui manquait. Elle ne pouvait s’empêcher de penser qu’un jour, pas si lointain, ces deux-là s’entendraient à merveille, pourchasseraient le même but et partageraient avec elle les mêmes aventures. Ce jour-là, tous trois auraient perdu ce qui les rattachait à leur enfance, mais pas à leur passé.
    Pour l’heure, Aymar de Grolée était soucieux et Jacques de Sassenage, ronchon. Ce dernier, installé à ses côtés sur le siège, tourna vers elle un visage fermé.
    — Ta légèreté me dépasse, Elora. As-tu seulement conscience du danger que nous encourons à traverser chaque jour ces rues mal famées ?
    Elle le couvrit d’un œil affectueux, posa une main légère sur sa manche.
    — Vous vous inquiétez pour rien, grand-père. On ne nous attaquera pas davantage aujourd’hui qu’hier. Notre escorte est solide, vos soldats aguerris. Ils impressionnent les coupe-jarrets. Je vous le répète. Nous sommes plus en sécurité à Rome qu’au Vatican.
    — Mais loin d’Hélène…
    Elora fixa Aymar de Grolée qui venait de parler.
    — Elle s’accommode fort bien de son état de valet, vous avez pu en juger vous-même. Tous les regards sont braqués sur nous et nous seuls. Je ne crains pas le poison et encore moins les Borgia. Mais vous ne pouvez en dire autant.
    Jacques de Sassenage se désola :
    — Tu es aussi têtue que l’était ta mère. Algonde aussi se croyait invulnérable… Ça n’a pas empêché la mort de la faucher.
    Elora prit une profonde inspiration.
    — Les apparences ne sont pas toujours vérité.
    Ils la dévisagèrent sans comprendre.
    — Il faut parfois abandonner les siens pour permettre à un enfant-roi de grandir en secret.
    Ils blêmirent.
    — Qu’essaies-tu de nous dire, Elora ?
    Elle sourit avec tendresse. Comme elle les aimait !
    — Le fils d’Hélène et de Djem est toujours en vie. Et moi, j’ai une mère aimante avec laquelle je n’ai pas cessé de communiquer.
    Ils n’eurent pas le temps de comprendre. La litière venait de toucher le sol et un doigt recourbé toquait au panneau de bois qui recouvrait la vitre de la portière.
    — Nous sommes arrivés devant les gardes suisses. Faites bonne figure, messires. Quelque chose me dit qu’aujourd’hui nous aurons le plaisir de voir Sa Sainteté, s’amusa Elora.
    *
    Mathieu avait refusé de laisser Petit Pierre à Choranche, à la merci de Mélusine. Il se souvenait trop du pouvoir d’un chant pour annihiler toute volonté. Certes, c’était celui de Marthe qu’il avait autrefois subi lui-même, mais ces deux démones partageaient la même mère et la même cruauté. Et puis, il y avait un appel bouleversant dans

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