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Elora

Elora

Titel: Elora Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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cette voix. Si lui, sachant tout ce dont Mélusine était capable, avait dû lutter contre lui-même pour lui échapper, Petit Pierre n’avait aucune chance. De deux maux, Mathieu avait choisi le moindre. Il l’avait emmené avec eux.
    Les autres n’avaient pas discuté. L’enfant s’était raisonné depuis sa première embuscade, fort des paroles de son père. Il avait compris que tuer était une nécessité. Il s’en savait incapable, lors, les deux fois suivantes où il avait servi de leurre, il s’était contenté de détourner la tête, de réprimer la nausée qui lui venait et de penser à la potence.
    S’il s’était senti soulagé de la décision de son père, craignant leur séparation plus encore que le sang versé, l’enfant serrait maintenant les dents de douleur. La neige s’était invitée la nuit précédant leur départ. Elle continuait de tomber en lourds paquets et ils avaient dû attacher un entrelacs de branches et de cordes sous leurs chaussures pour pouvoir avancer sans trop s’enfoncer. Malgré cela, les pieds du jouvenceau étaient trempés et glacés. La douleur lui remontait le long des jambes et jusqu’à l’aine. Comme il savait que tous souffraient de même, il refusait de se plaindre. Selon les dires du soudard qui les avait renseignés moyennant quelques pichets de vinasse, le convoi partirait de Romans-sur-Isère, longerait le fleuve et traverserait au pont de Saint-Quentin pour reprendre la rive sud. C’était là qu’ils devraient le rejoindre s’ils tenaient la cadence de marche, dormant quelques heures seulement dans des abris sommaires. Mais dans cette tourmente qui ne voulait pas cesser et cinglait épaules et visages malgré capuches de cuir, écharpes et manteaux de fourrure, Petit Pierre, fatigué de lutter, se demandait s’ils y parviendraient.
    Tout en mastiquant une tranche de lard séché, Mathieu l’avait rassuré. Le mauvais temps n’aidait en rien le cheminement d’un chariot, même en bordure de la rivière et sur la grand-route. Si les rafales y étaient certainement moins virulentes, les congères avaient le temps de se former d’une heure sur l’autre. Il n’était pas rare d’y laisser une roue, surtout avec un chargement aussi lourd que l’or. Bien qu’il y eût fort à parier que son propriétaire avait anticipé ces difficultés, il avancerait au moins aussi lentement qu’eux, dont la distance à parcourir était de moitié.
    Restait à savoir si, au point de rencontre, il leur resterait assez de force et d’agilité pour le détrousser. Au vu de ses doigts gelés, de ses membres tétanisés, Petit Pierre en doutait. D’autant qu’aucun feu ne pouvait être envisagé. Quand bien même les chutes de neige ne l’auraient pas éteint, ils ne pouvaient prendre le risque que la fumée trahisse leur avancée. Autre chose le taraudait. Au fil des heures, il avait vu les paysages se ressembler tellement sous ce manteau immaculé qu’il avait du mal à croire que les anciens savaient où ils allaient. Aucun sentier ne se voyait plus. Leurs traces étaient recouvertes sitôt après leur passage. Lorsque l’Isère et son long serpent sombre lui apparurent à la hauteur des gorges du Nan, Petit Pierre en aurait pleuré.
    — Nous allons longer le fleuve. Ce sera plus facile à présent, lui assura son père, empli de fierté devant son courage.
    Ils étaient tous éreintés. Face à une masure abandonnée dont le toit s’effritait, Villon accorda ce que tous espéraient. Une vraie nuit de sommeil et l’assurance de se réchauffer puisqu’ils seraient les uns contre les autres serrés.
    *
    L’endroit était mal choisi pour développer la confidence que leur avait faite Elora dans la voiture. Aymar de Grolée et Jacques de Sassenage avaient donc dû surseoir et masquer cette joie qui les envahissait de minute en minute. Comme chaque jour, depuis que la demeure de Santa Maria in Porticu, contiguë au Vatican et située à gauche de l’entrée du palais pontifical, leur avait été ouverte, ils y étaient reçus aimablement par César Borgia et supportés par Lucrèce. Cette dernière avait très rapidement compris que le meilleur moyen de surveiller sa rivale était de ne pas la lâcher d’un pouce. Mieux valait qu’Hélène de Grolée rencontre son amant en public qu’en privé. Ravie de gâcher leurs retrouvailles, elle était devenue plus aimable et riait volontiers avec Elora sans savoir que Djem, occupé à discuter avec les

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