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Elora

Elora

Titel: Elora Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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éboulis sous leurs pieds.
    Il ne leur restait plus qu’une faible déclivité à descendre, entrelacs de rocs et d’arbustes. Cinq minutes, pas davantage, pour atteindre leur but. Fanette connaissait chaque parcelle du terrain, chaque recoin de la grotte. Elle savait les habitudes de ses occupants, le fracas de l’eau vive qui la traversait, les allers et venues des hommes, les travaux des femmes, les jeux des enfants.
    C’est pourquoi elle pouvait assurer au prévôt que le campement livré aux femmes ne serait pas difficile à maîtriser.
    De l’endroit où ils se trouvaient, Fanette avait vue sur le passage discret qui, suivant la rive de la Bourne, s’enfonçait sous la roche. Légèrement à l’écart, quelques garnements bataillaient à coups de boules de neige et de rires. Elle les reconnaissait tous. Elle les avait vus naître, avait assisté leurs mères en couches. Elle s’était préparée à les voir mourir. Mais pas à ce qu’une douleur viscérale la poignarde, là, maintenant. Il n’était plus temps d’avoir des remords. Les survivants se balanceraient au bout d’une corde. Femmes, enfants, vieillards. Tous, sans exception.
    Eux tous contre sa réhabilitation.
    Eux tous en prix de sa haine.
    Eux tous.
    Même son fils, Jean…
    Elle leva les yeux vers les arbalétriers, serra les dents, refoula ce stupide instinct maternel et suivit les traits. Ils firent mouche presque simultanément, fauchèrent les guetteurs dans les arbres et les rires sur la neige. Des larmes improbables piquèrent les yeux de Fanette. La bousculant sans ménagement contre l’arête acérée d’un roc, Hugues de Luirieux passa devant elle, puis ses soldats. Elle les vit courir, taches sombres, vers ces fleurs de sang, surprise de découvrir que quelque chose de bon avait survécu en elle.
    Lorsqu’elle s’élança à son tour derrière eux, ce fut avec cette certitude irraisonnée.
    Il était peut-être temps, encore, de sauver son fils. Ses fils.
    Jean. Et Petit Pierre aussi.
     
    Car c’est souvent ce que l’on a refusé d’aimer qui s’avère le plus difficile à perdre…
    *
    Celma ramassa ses runes, la poitrine barrée d’une douleur sourde. D’un regard circulaire, elle embrassa l’intérieur de la salle d’entrée. Tout y était paisible, normal. L’air pourtant charriait une odeur de sang. C’était imminent. Du plus loin qu’elle se souvienne, Celma avait toujours possédé cet instinct animal.
    Il lui venait de son arrière-grand-mère qu’on avait brûlée pour crime de sorcellerie. Celma ne l’avait pas connue. Pas davantage son père, charpentier à Sassenage. Il était déjà marié lorsque sa mère l’avait rencontré. Une étreinte d’un jour, vite oubliée pour lui qui buvait plus que de raison. La mère de Celma avait quitté la contrée, s’était embauchée comme ventrière au château de la Bâtie. La seule vision que Celma avait eue de lui, c’était le jour de ses cinq ans. Elle s’était approchée de sa mère et lui avait annoncé qu’il était tombé d’un toit, agacé par un épervier qui lui tournait autour.
    Une gifle lui avait cinglé le visage, comme un vent mauvais, un vent de peur dans le regard de sa mère. Fataliste, Celma avait toisé cette femme dure et avait répliqué :
    — T’y changeras rien. La camarde l’a emporté.
    Ils avaient appris son décès par hasard, une année plus tard. Tout s’était passé ainsi que Celma l’avait décrit. Sa mère lui avait fait jurer de ne jamais, jamais révéler à quiconque le don qu’elle possédait. Elle-même ne voulait plus en entendre parler.
    Celma y avait consenti. À la Bâtie, elle menait une existence heureuse. La domesticité y était importante, mais Jeanne de Commiers, la dame du lieu et première épouse du baron Jacques, était avenante et juste. Le premier accouchement de la baronne avait été sans douleur et elle menait sa deuxième grossesse lorsque tout avait basculé.
    Celma venait d’avoir huit ans. La vision l’avait poignardée à trois heures du matin. Ruisselante de larmes, elle s’était dressée sur la couche qu’elle partageait avec sa mère, dans une des soupentes du château. À la lueur d’une chandelle, elle l’avait vue debout, occupée à enfourner leurs maigres affaires dans un sac de voyage. Un regard échangé. La même panique. Le même sentiment d’urgence.
    C’était cette nuit-là que Celma avait compris que le don était transmis de mère en fille.
    Elles

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